Scène de crime : quand le médecin passe, les indices trépassent

Article Article

Expert à Miami, ca s’apprend

Scène de crime : quand le médecin passe, les indices trépassent

Les médecins sont souvent appelés à intervenir sur des scènes de crime, mais ils sont trop peu sensibilisés à la préservation des indices qui peuvent être précieux pour la police. Le Dr Gilles Faure, urgentiste, a créé une formation à ce sujet.

Appel du centre 15, déclenchement des secours. Les pompiers arrivent les premiers, à quatre, puis le Smur, à trois. Tout le monde s’agite, on tente de réanimer le patient, sans succès ; finalement le médecin rédige le certificat de décès et appelle la police. Mais... et si c’était un crime ? Trop tard pour les éventuels indices, piétinés, déplacés, effacés par les professionnels de santé, véritables éléphants dans un magasin de porcelaine. Heureusement, il existe une formation pour devenir un vrai « expert à Miami ». Elle s’appelle « premiers intervenants sur scène de crime ».

Le Dr Gilles Faure, urgentiste et fondateur cette formation organisée en partenariat avec le Centre d’enseignement des soins d’urgence (Cesu) du Gard, est frappé par les dégâts que les médecins peuvent faire sur une scène de crime. « C’est un peu comme si nous, médecins, nous perdions tout ce qui fait la sémiologie : les antécédents, l’anamnèse, les signes cliniques... », explique-t-il.

En intervention Smur, on n’est pas très bons

Gilles Faure est entré dans la médecine légale par la victimologie. Un DU très utile aux urgences, où les problèmes médico-légaux ne sont pas rares. Mais certaines de ses questions restaient sans réponse. « J’ai alors passé ma capacité médico-judiciaire, et j’ai mis le doigt dans l’engrenage : criminalistique, balistique… », se souvient-il « C’est comme ça que j’ai réalisé qu’en intervention Smur, on n’était pas très bons ! » L'urgentiste a donc décidé de partager ses connaissances avec ses collègues, en créant une formation dédiée.

Celle-ci a débuté il y a deux ans, rodée d’abord sur les équipes du Samu 30. Elle se déroule sur une journée, dans les locaux de l’Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) de Nîmes. Le groupe n’excède pas douze personnes, de manière à ce que chacun puisse participer aux mises en situation. Les participants sont médecins, infirmiers, ambulanciers, pompiers, ou font partie du service de sécurité des biens et des personnes de l’hôpital.

Un petit passage au commissariat ?

L’enseignement est basé sur la pédagogie active. « Nous commençons par reproduire une intervention, avec des personnes qui jouent le rôle des pompiers, du Smur, de la police, des témoins », détaille Gilles Faure. « Nous simulons dans un second temps un passage au commissariat pour un interrogatoire, puis nous faisons un débriefing à partir des vidéos réalisées. » Il y ensuite une intervention du service régional de police judiciaire de Montpellier, notamment sur les méthodes qu’utilise la police technique scientifique.

« En France, les médecins ne sont quasiment pas formés à la médecine légale à la fac », déplore l’urgentiste. « Ils apprennent sur le terrain, mais sans encadrement adapté, ils risquent d’avoir des lacunes. »

Pour l’instant, l’offre reste limitée pour les médecins intéressés : seuls trois Cesu proposent actuellement des formations sur les scènes de crime en France (Nîmes, Strasbourg et la Réunion), sans homogénéisation du contenu. Mais cela pourrait peut-être changer : la formation créée par Gilles Faure et le Cesu 30 fera l’objet d’une communication à l’Association nationale des centres d’enseignement des soins d’urgence en 2017.

_________________________________________________________________


Les objectifs de la formation

 

- Maîtriser l’obstacle médico-légal ;

- Connaître les traces présentes sur une scène de crime et les préserver ;

- Savoir se comporter de manière coordonnée en équipe ;

- Communiquer avec les autorités de justice (limites du secret médical).

 

Si cette formation vous intéresse, contactez le CESU 30 : cesu30@chu-nimes.fr

Et pour aller plus loin, il existe le DU de criminalistique de Paris 5 !

Source:

Sarah Balfagon

Les gros dossiers

+ De gros dossiers