Santé des jeunes médecins : ECNi et temps de travail des internes dans le viseur

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Une enquête de l’Ordre met le doigt là o`u ca fait mal

Santé des jeunes médecins : ECNi et temps de travail des internes dans le viseur

Le Conseil de l’Ordre a enquêté sur la santé des jeunes médecins, et livre un diagnostic préoccupant. Petit check-up avec le Dr Jean-Marcel Mourgues, ex-président de la commission ordinale dédiée aux jeunes et coordonnateur de ce travail.

 

What’s up Doc. Qu’est-ce qui a conduit l’Ordre à effectuer cette enquête ?

Dr Jean-Marcel Mourgues. Tout d’abord il faut préciser que la décision de travailler sur ce sujet a été prise avant les faits dramatiques que nous connaissons. La Commission nationale permanente, qui est un organe de l’Ordre, avait décidé de plancher sur la santé de médecins. La commission jeunes médecins, que je présidais jusqu’à la semaine dernière, s’est donc emparée du sujet. A notre grande surprise, nous nous sommes aperçus qu’il n’existait pas de données collectées de grande ampleur.

WUD. Quelles sont les principales conclusions de ce travail ?

JMM. L’état de santé des jeunes médecins, sans être préoccupant, n’est pas très bon : 25 % d’entre eux se déclare en moyenne ou en mauvaise santé. Ce chiffre est encore plus dégradé pour le second cycle, où il atteint presque 31 %.

WUD. On peut aussi voir les choses différemment, et considérer qu’environ les trois quarts des jeunes médecins se trouvent en bonne santé…

JMM. Effectivement. Il faudrait pouvoir comparer nos chiffres avec ceux que l’on trouve dans d’autres cycles d’études supérieures, et avec ceux que l’on trouve dans la population générale.

WUD. Qu’est-ce qui peut expliquer vos constats ?

JMM. On peut s’interroger sur le fait que la moitié des répondants du 2e cycle, qui sont ceux qui se déclarent dans le plus mauvais état de santé, étaient des étudiants dde 6e année. Y a-t-il un lien avec le passage des ECNi cette année-là ? Pour le 3e cycle, on constate un lien statistique très puissant entre le fait de déclarer un état de santé mauvais ou moyen et le temps de travail : 72 % des internes déclarent travailler plus de 48 heures, mais ils sont 83 % parmi ceux qui se considèrent en moins bonne santé. Ce qui m’amène à poser la question : plus d’un an après, qu’en est-il de l’application du décret sur le temps de travail des internes ?

WUD. La méthodologie de l’enquête, qui a reposé sur l’envoi d’e-mails, pose la question du biais de sélection. N’est-il pas possible que les répondants soient, en moyenne, des gens plus préoccupés par leur état de santé que les non-répondants ?

JMM. Il y a effectivement la possibilité d’une sur-déclaration : ceux qui ont répondu sont peut-être plus sensibles à cette souffrance. Mais il y a aussi la possibilité d’une sous-déclaration : il n’est pas aisé de dire, même dans un questionnaire, qu’on a des idées suicidaires.

WUD. Quelles sont les solutions que vous préconisez à l’issue de ce travail ?

JMM. L’objectif de ce travail n’était pas d’élaborer des solutions. C’est une première enquête qui a le mérite d’exister, et d’avoir eu de nombreux répondants. Cela justifierait que l’on pousse davantage le sujet notamment avec les Agence régionales de santé (ARS), le Centre national de gestion (CNG), les facultés, et les représentants des jeunes médecins.

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Principaux résultats de l’enquête

Nombre de répondants : 7858

Âge moyen des répondants : 29 ans

Statut :
2e cycle : 25 %
Interne : 50 %
Post-internat : 9 %
Jeune professionnel : 16 %

Auto-évaluation de la santé des répondants :
Mauvaise : 3 %
Moyenne : 21 %
Bonne : 63 %
Excellente : 13 %

Les jeunes médecins et leurs médecins :
41 % n’ont pas de médecin référent
64 % n’ont pas vu la médecine du travail ou universitaire depuis au moins deux ans

Ont déjà eu des idées suicidaires : 14 %


Pour en savoir plus, l’enquête est disponible par ici.

Source:

Propos recueillis par Adrien Renaud

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