Santé de demain : mais o`u est l’humain, bordel ?

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Entre nos mains

Santé de demain : mais o`u est l’humain, bordel ?

Les progrès du numérique vont-ils laisser une place à l’humain dans la santé ? Vaste question, abordée mercredi dernier à l’occasion de la Paris Healthcare Week. Entre super-héros, science-fiction et simulation, l’éthicien Axel Kahn a tenté d’esquisser un chemin…

La santé est-elle un algorithme ? Avec les progrès de l’intelligence artificielle et de la robotique, la question est sur toutes les lèvres. Elle s’est posée une nouvelle fois à l’occasion de la Paris Healthcare Week 2017, lors du congrès de la FHF dédié aux nouvelles technologies. Pour esquisser une réponse : des soignants, médecins pour la plupart, des écrivains, et l’illustre éthicien Axel Kahn en fil rouge.

Rassurons-nous, il y a consensus. Non, la santé ne se réduit pas à un algorithme. Il suffit d’être entré une fois dans la chambre d’un patient pour s’en rendre compte : la part humaine est, sinon irréductible, du moins essentielle. « La câlinothérapie c’est au moins 50 % de la médecine », s’exclame Axel Kahn, hémato de formation, qui ne garantit pas l’exactitude du chiffre. Reste à voir si la technologie est câlino-compatible…

Les écrivains de science-fiction ont leur petit avis. Dans Le Meilleur des mondes, les fœtus sont conditionnés en vue de leur position sociale. Les maladies, la faim et la pauvreté ont disparu. Les médicaments assurent le bonheur de tous. « Alors pourquoi est-ce considéré comme une vision de l’avenir oppressante et terrifiante ? », s’interroge Sylvie Lainé, prof en sciences de l’information et auteur de S-F.

Des mains de super-héros

Parce qu’une telle société élimine le facteur humain, estime Axel Kahn, qui vient de signer un livre sur le sujet. « Toute société qui ne proposerait pas la possibilité que se manifestent l’autonomie, la bienfaisance, la non-malveillance et la justice serait une dystopie ». La société n’a pas à éliminer tous les abus – c’est d’ailleurs impossible –, mais à s’accorder sur ce qui est désirable. Afin de ménager la possibilité de l’humain.

Mais foin de pessimisme chichiteux. Car la technologie fait aussi des miracles très humains. Frédéric Clavier et Coline Martinot-Lagarde, respectivement chirurgien et ergothérapeute aux hôpitaux Saint-Maurice, l’ont rappelé en présentant le projet e-Nable en pédiatrie. Il consiste à fabriquer des prothèses de mains articulées dignes de super-héros, par impression 3D. L’enfant choisit son modèle – griffu, flashy, orné d’un emblème… – et le voici quelques jours plus tard devenu « la star de la cour de récré ».

L’avenir nous appartient

Autre progrès très humain : la simulation en santé. Pour le patient, qui n’a plus à essuyer les plâtres, mais aussi pour l’étudiant qui s’épargne des sueurs froides, a rappelé Antoine Tesnière, directeur du centre iLumens. « Trouvez-vous normal qu’une première intubation se fasse sur enfant réel ? », demande Axel Kahn, qui se souvient encore de la sienne. Ce ne sera, de toute façon, bientôt plus le cas.

« Le progrès technologique, notamment la tétrade magique "big data + algorithmes + IA + robotique", va bouleverser les sociétés et nos métiers », conclut l’éthicien. « Il ne s’agit pas de s’en désoler : non seulement on n’y peut rien, mais les possibilités sont incroyables. La seule question, c’est : quelle sera la place de l’humain dans tout cela ? » Médecins, tendez l’oreille. Car super-héros ou pas, l’avenir est pour bonne part entre vos mains…

Source:

Yvan Pandelé

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