Reyhan Amode, dermatologue-vénéréologue : « La dermatologie que l’on apprend à l’hôpital est la dermatologie des peaux blanches »

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Dr Reyhan Amode, dermatologue- vénéréologue depuis 2016, installé en libéral à Paris, nous parle de la dimension sociale de la peau, de l’intimité des patients et de botanique.

Reyhan Amode, dermatologue-vénéréologue : « La dermatologie que l’on apprend à l’hôpital est la dermatologie des peaux blanches »

« J'ai su que je voulais être dermatologue le premier jour de mon stage en dermatologie », affirme Dr Reyhan Amode, dermatologue-vénéréologue depuis dix ans et désormais installé en libéral au centre de dermatologie Paris-Marais. Incapable de se souvenir pourquoi il a préféré les études de médecine à celles de vétérinaire, il se rappelle en revanche avec précision et émerveillement du premier staff de dermatologie auquel il a participé en quatrième année. « Tout le monde y allait de son hypothèse, de ses noms propres, de ses noms en latin. Ça m'a paru être une spécialité hyper savante dans laquelle on ne dépend pas d'un outil d'image pour faire un diagnostic », se souvient-il. Ce passionné de botanique est aussi séduit par le « langage très imagé et poétique » propre à la dermatologie. « On parle de lésions en forme de feuilles de sorbier ou d'érable. Il y a aussi des tâches pigmentées dont les bords suivent les côtes du Maine ou de la Californie. On aime aussi décrire des couleurs comme le chamois ou le brun moyen ». 

Consultations et opérations en musique 

Dans son cabinet, situé dans le centre de Paris, une petite enceinte diffuse de la musique à bas volume pendant les consultations et le temps opératoire. « La radio FIP est notre meilleure amie », lance Reyhan Amode, « car la musique joue un rôle important dans mon endurance, ma concentration et permet de diminuer la gêne du patient face au silence, notamment pendant l’auscultation ». Le dermatologue met d’ailleurs un point d’honneur à toujours se questionner, même après dix ans d’exercice, pour continuer d’améliorer sa communication avec ses patients. « En tant que dermatologue, on a vraiment un rapport particulier au corps et à l'intimité, puisque le patient généralement se déshabille et que les récits sont souvent intimes », explique le médecin confronté à des pathologies génitales et aux complexes de ses patients qui se transforment parfois en dysmorphophobie, c’est-à-dire en « une perception disproportionnée du problème qu'ils me soumettent ». Dans ces cas-là, Reyhan Amode n’hésite pas à orienter ses patients vers une prise en charge psychologique ou psychiatrique pour les « aider à faire face à ce mal-être physique qui est parfois révélateur d'un mal-être plus profond ». 

« En dermatologie, on est confronté aux évolutions sociétales car nous sommes dans une société d'image. Beaucoup de gens, préoccupés par l'état de leur peau, vont consulter. Et là, il faut déconstruire ce qui relève du vieillissement normal et de l'image de la peau véhiculée par les médias, la publicité, les réseaux sociaux. » 

Ancien chef de clinique à l’hôpital Saint-Louis, Reyhan Amode décide de s’installer en libéral en 2022 lassé des « luttes d’influence, de la compétition toxique et des règles du jeu opaques pour poursuivre une carrière hospitalo-universitaire ». En exerçant en ville, il affirme être plus « épanoui », « sans que cela ne soit moins stimulant puisque quand on est passionné, on se passionne quel que soit le niveau de lourdeur de la prise en charge du patient ». Il s’est entouré d’une équipe de consœurs qui lui ressemble, sensibilisée, notamment, à l’accueil des patients LGBTQIA+ et racisés. « La dermatologie que l'on apprend à l'hôpital, c'est la dermatologie des peaux blanches. S’il n'y a pas un peu de volonté du dermatologue de se former aux problèmes capillaires ou cutanés d'une personne racisée, ces patients ne vont pas avoir les réponses adaptées », indique-t-il.

Travailler moins pour travailler mieux 

Cet exercice libéral permet également à Reyhan Amode d’aménager son temps de travail pour « travailler moins et donc mieux ».« Je pense qu’un bon médecin est un médecin reposé et épanoui. Abattre les consultations pour voir le plus de monde et remplir sa mission de service public n’a pas beaucoup d'intérêt ni pour le patient, ni pour la société car dans ce cas elle souvent est mal remplie », affirme-t-il. 

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Le but ultime de Reyhan Amode ? Atteindre un équilibre entre sa vie professionnelle et personnelle tel qu’il n’aurait pas besoin de vacances. En attendant, le médecin fait des « petites journées » et se préserve des moments pour des activités qui n'ont aucun lien avec la dermatologie comme le badminton, la botanique et surtout passer du temps avec sa fille. Dans ces conditions, il pense exercer le métier de dermatologue toute sa vie.

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