RDC : Ebola progresse, la politique s'emmêle

Article Article

Alors que la flambée d’Ebola a été déclarée « urgence de santé publique de portée internationale » par l’OMS le 17 juillet, le ministre de la Santé congolais a démissionné, pointant du doigt les errements dans la gouvernance de la riposte. Les tensions se cristallisent autour du vaccin Janssen.

RDC : Ebola progresse, la politique s'emmêle

Quatre-vingts nouveaux cas par semaine, 1782 décès (2565 cas confirmés) depuis l’été 2018 et une incapacité apparente à juguler les contaminations dans l’espace géographique où Ebola sévit. La flambée épidémique en République Démocratique du Congo continue d’inquiéter, pas uniquement par l’intensité de contamination, mais par la réponse qui y est apportée. Et ce, malgré l’urgence de santé publique de portée internationale, statut déclaré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 17 juillet dernier.
 
Entre temps, le ministre de la Santé de la RDC, le Dr Oly Ilunga, a présenté sa démission le 22 juillet. Il reproche au président de la RDC, Félix Tshisekedi de s’immiscer dans le dispositif anti-Ebola, créant des interférences dans la ligne de commandement, tout comme son rival, le Pr Jean-Jacques Muyembe.
 
Il l'accuse de pressions pour l’introduction d'un second vaccin expérimental, produit par Janssen, actuellement en essais cliniques de phase 2, nécessitant deux injections – ce qui paraît être un obstacle important dans le contexte local. Celui produit par Merck, utilisé en masse depuis le début de la flambée épidémique, a passé les essais de phase 3, donne des résultats apparemment satisfaisants en une injection, mais sa disponibilité est limitée… Dans une interview accordée au Monde, l’ancien ministre parle de « lobby malveillant ».
 

Des conditions défavorables

Ces oppositions se sont installées alors que l’épidémie continuait de s’étendre, favorisée par plusieurs facteurs évoqués par l’OMS : un « environnement politique complexe », des réticences des communautés à suivre les recommandations d’hygiène, notamment au moment des funérailles. Mais ce sont surtout les conditions de sécurité dans les régions du Nord-Kivu de de l’Ituri qui posent problème.
 
Début juillet, deux agents de santé ont été assassinés. Un médecin de l’OMS avait été tué par arme à bout portant en avril, et le personnel médical est régulièrement victime d’attaques de groupes armés, ou même de la population qui se méfie encore des soignants. Des soignants qui paient par ailleurs un lourd tribut à la flambée épidémique : 136 agents ont été contaminés, et 40 sont décédés, dans un décompte arrêté au 17 juillet.

Goma, seuil critique

« La transmission du virus a été réduite en intensité », précise néanmoins l’OMS dans un communiqué du 17 juillet, « mais elle s’est étendue géographiquement ». L’agence onusienne estime qu’« un an après le début de la flambée, des signes inquiétants laissent entrevoir une possible extension de l’épidémie ».
 
Cette inquiétude grandit depuis la découverte d’un cas importé dans la ville de Goma. Un cas qui a d’ailleurs précipité la réaction de l’OMS. Avec une population de plus d’un million d’habitants, des échanges commerciaux importants avec le Rwanda et l’Ouganda et un aéroport international, les risques de propagation rapide dans la ville et vers les pays voisins sont importants.
 
L’Onu déconseille cependant de restreindre les voyages et le commerce, car la fermeture des frontières pourrait paradoxalement augmenter ces risques. « Ces mesures sont généralement motivées par la peur et n’ont aucun fondement scientifique », explique l’OMS. « Elles déplacent les mouvements de population vers des points de passage des frontières informels qui ne font pas l’objet d’une surveillance, augmentant ainsi les risques de propagation de la maladie ».

La France un peu à la traîne

Suivant l’annonce du nouveau niveau d’urgence, l’Europe a réagi en débloquant des fonds. Trente millions d’euros viennent de s’ajouter aux 17 millions déjà engagés par la Commission européenne. De son côté, la France, dont le manque d'implication a été remarqué, a annoncé le 16 juillet dernier la nomination d’un envoyé spécial pour organiser la réponse nationale sur le sujet. Il s’agit de… Yves Lévy, ancien directeur de l’Inserm, et accessoirement mari de la ministre de la Santé. Il exercera cette mission « à titre bénévole », a tenu à préciser le ministère des Affaires étrangères…

Les gros dossiers

+ De gros dossiers