
Sauve qui peut d’Alexe Poukine.
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Un documentaire dont le didactisme descriptif est subtilement doublé d’une progression narrative et d’une mise en abîme qui confusionnent les rôles et les espaces et clarifient sa portée politique.
Des comédiens qui jouent des patients, leur famille ou des collègues. Des interprètes en quête d’apprentis docteurs qui, tels les personnages de la pièce de Pirandello, cherchent en eux-mêmes une vérité émotionnelle et comportementale à transmettre à leur public étudiant, pour rendre la tragédie de la maladie, de l’annonce, plus vraie que jouée. C’est là tout le paradoxe de la pratique de la simulation : faire un détour par l’artificialité du théâtre pour mieux confronter les professionnels de santé à leur vécu émotionnel, outil indispensable pour accéder à l’empathie mais aussi à toute démarche de soin. Alexe Poukine pose sa caméra toujours tendre, presque amusée, au sein de ces espaces emplis de pédagogie bienveillante, dont on perçoit l’immense potentiel et dont on constate déjà les multiples applications.
La simulation vient aider les internes saturés à repérer et aider leurs collègues en burn-out ou à résoudre les conflits de service
Peu à peu les techniques se diversifient : après la simulation, voici le théâtre forum, basé sur le concept du théâtre de l’opprimé, qui, appliqué aux équipes soignantes en souffrance, côtoie le débriefing. La simulation s’immisce également dans l’apprentissage de la vie institutionnelle, aidant les internes saturés à repérer et aider leurs collègues en burn-out ou à résoudre les conflits de service. Ainsi, par delà une réalisation assez carrée et faussement répétitive, la documentariste capte la façon dont la conscience politique et la souffrance vicariante s’infiltrent peu à peu chez ces êtres qui, par delà leurs fonctions, se retrouvent unis de par leur mission de soin.
Car c’est aussi ce que montre admirablement le film : ces comédiens, eux aussi, deviennent peu à peu des professionnels du soin. Et sont, eux-mêmes, formés par… d’autres comédiens qui les aident à simuler leurs futures simulations. Presque au-delà du pirandellisme, mais avec l’inquiétude propre au dramaturge italien. Celle d’une fuite en avant…