Paces One : vers la fin du redoublement ?

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Paces One : vers la fin du redoublement ?

Quatre universités parisiennes, et celle de Brest, expérimenteront une première année de médecine sans redoublement. Et cela, dès la rentrée 2018 ! Entre gain de temps pour les étudiants, de place dans les amphis et rupture de chances, What’s up Doc fait le point.

Deux ans de Paces, c’est long. Les étudiants qui ont tenté l’expérience, avec ou sans la réussite à la clé, sont là pour en témoigner. Et pour certains, c’est même trois ans ! Mais le concours de médecine (de pharmacie, de maïetique, d’odontologie et de kinésithérapie) tel qu’ils le connaissent, pour lequel deux tentatives sont souvent nécessaires, vit peut-être ses dernières années.

L’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) a en effet relayé l’information selon laquelle dès la rentrée 2018, cinq facultés supprimeront le redoublement, en guise d’expérimentation. Il s’agit de celles des universités Paris 5 (Descartes), Paris 6 (Sorbonne Université), Paris 7 (Diderot), Paris 12 (Créteil), et Bretagne Occidentale. L’université de Lille serait aussi sur le coup, pour rejoindre la nouvelle première année. Nom de code : Paces One !

Seulement 60 % d’admis en première intention

Jusqu’à présent, deux tentatives étaient permises pour passer le concours commun des études de santé – parfois trois pour quelques cas particuliers. En moyenne, en médecine, les reçus sont près de 40 % à être primants, et le reste est composé de redoublants. Mais en chemin, plus de quatre étudiants sur cinq échouent.

Une perte de temps dans les études qui justifie le changement de modalités d’admission prévu dans les cinq facultés. Il s’intègre dans une série d’expérimentations lancée en 2013, visant notamment à « limiter ce gâchis et diversifier les profils d’étudiants entrant dans ces études », explique l’Anemf dans un communiqué paru ce 25 janvier.

La disparition du redoublement sera compensée par une réorganisation des admissions, visant à conserver la notion de deuxième chance. Au maximum 60 % du numerus clausus (NC) sera attribué aux admissions directes, sur concours écrit. Ensuite, certains passeront un « rattrapage », sous forme d’une épreuve orale. Ils complèteront le NC à hauteur de 15 % minimum. Les 25 % restants seront destinés à des admissions Alter-Paces, accessibles après une 2e ou une 3e année de licence. Et parce qu’un schéma vaut toutes les explications, voici celui que nous propose l’Anemf.


Source : infographie Anemf

Pas de perte d’années d’études

Quels avantages pour cette formule ? D’après l’association étudiante, elle limite l’effet « file d’attente », qui suppose que de nombreux étudiants admis après leur deuxième tentative seraient passés dès la première s’ils n’avaient pas eu en face d’eux des doublants, mieux préparés.

Elle supprimerait aussi la perte systématique d’une année universitaire pour tous ceux qui obtiennent la moyenne – et qui valident donc leur L1 –, mais qui décident de retenter leur chance. « Il devient ainsi possible à un étudiant de valider une licence en trois ans, tout en ayant tenté sa chance deux fois au concours Paces, là où il aurait fallu entre quatre et cinq années », explique l’Anemf dans son communiqué.

Côté universités, l’avantage est net : libérer de la place dans les amphis et les travaux dirigés, et ainsi favoriser la qualité de l’enseignement.

Favoriser les riches

Mais les critiques ne se sont pas faites attendre. Pour l’essentiel, elles tournent autour d’un risque de rupture de chance. Deux années potentielles pour passer le concours laissent une chance aux étudiants sortant du bac avec un handicap de niveau de se préparer plus sereinement. La perspective d’une tentative unique favoriserait ainsi une certaine élite.

D’autre part, certains anticipent l’augmentation du recours à une « année 0 », une année de préparation après le bac – voire même pendant le lycée – avant de s’inscrire en Paces. Ce qui ferait la part belle aux instituts privés de formation, favorisant par la même occasion les étudiants qui en ont les moyens.

Enfin, gros point d’inquiétude : l’année de transition. Comment assurer une égalité de chances pour l’année 2018-2019 dans les facs concernées, entre primants qui n’auront pas de deuxième chance au concours, et doublants mieux préparés ? L’Anemf évoque une augmentation temporaire du numerus clausus, séparé en deux pour chaque promotion d’étudiants, avec un nombre de places adapté.

Réforme des programmes, peut-être ?

Au-delà de ces débats administratifs, on peut se demander dans quelle mesure cette expérimentation est pertinente. Les principales critiques sur la sélection des études de santé portent sur le programme de la Paces, et non sur les modalités d’admission. Les programmes sont en effet surchargés, et difficilement assimilables en une année. Ensuite, la sélection se fait sur des matières peu liées aux études de santé, ce qui favorise souvent les bons élèves scientifiques, au détriment de certains profils moins élitistes, mais plus adaptés aux professions médicales.

C’est pourtant dans cette optique de diversification des profils que les expérimentations sont mises en place. Le « rattrapage » à l’oral va sans doute dans ce sens. Mais il fait figure de mesure cosmétique face au réel changement que pourrait représenter une réforme en profondeur des programmes de la Paces.

Crédit photo : Le Cinquième Élément (Gaumont/Buena Vista International)

Source:

Jonathan Herchkovitch

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