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En racontant le destin d'un homme digne aux prises avec un système de protection sociale fou, Ken Loach nous livre une Palme d'Or du cœur, aussi généreuse que rageuse. Et réalise l'exploit de prolonger une œuvre mono-thématique sans sentiment de redite.
Après une attaque cardiaque, Daniel, veuf bourru mais débonnaire, se voit refuser ses indemnités journalières alors que ses médecins contre-indiquent une reprise du travail. Il fait appel mais se rend compte qu'il s'agit d'un parcours du combattant dont le but non avoué est probablement de le sortir de la longue liste d'allocataires de prestations sociales...
Autant vous le dire, le dernier Ken Loach est de ces films dont on a du mal à se remettre, qui vous hante longtemps de par les émotions intenses qu'il suscite. Cette œuvre crépusculaire, à la trame assez classique, crée le choc par petites touches.
Au vu de son parcours, de son âge, et de la désespérance de la situation actuelle, Ken Loach compose un véritable requiem pour la classe ouvrière. En se centrant sur l'un de ses représentants, pas révolutionnaire mais simplement intègre et obstiné, il dessine l'allégorie d'une disparition progressive et programmée. Plus que les scènes où se révèle l'absurdité outrancière et déshumanisée de l'administration, ce sont des moments fugaces rendant concret cet effacement social qui impriment notre mémoire.
On pense à cette jeune femme se cachant de regards pourtant bienveillants pour avaler à la hâte des raviolis crus à la banque alimentaire tant elle est affamée. Ou encore à cette petite fille qui cherche désespérément un Daniel fantomatique se terrant dans un habitat vidé de ses meubles. Ou enfin à l'épilogue du film, sans appel.
L'ardente colère qui vous saisit au sortir de ce film en constitue le seul espoir, dont on ne saurait dire s'il est ténu ou immense... Ken Loach nous en laisse en tout cas la responsabilité.
Source:
Guillaume de la Chapelle