Michèle Delaunay, une consoeur ministre !

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Celle qui fut À 22 ans la plus jeune interne de France a effectué toute sa carrière médicale À l’hôpital public o`u elle a créé et dirigé un service spécialisé dans les cancers cutanés. Ce n’est qu’après 50 ans qu’elle se tourne vers la politique.

Michèle Delaunay, une consoeur ministre !

C’est une ministre détendue et souriante qui nous accueille dans son bureau avenue Duquesne.

Dermatologue de formation, sa progression en politique est fulgurante. Élue députée en 2007, elle est nommée 5 ans plus tard ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie, le 16 mai 2012.

 

WUD Au CHU de Bordeaux, vous avez monté le premier service de cancérologie dermatologique de France. Vous dites que dans les années 80, le mot « cancer » était tabou. Pourquoi, alors, avoir insisté pour qu’il soit affiché sur la porte de votre service ?

MD Tabou c’est peut-être fort, mais il y avait une gêne certaine autour du mot cancer. C’est vrai que mon service est l’un des premiers à avoir clairement fait figurer ce mot, et j’y tenais beaucoup. En dermatologie, il y a les mélanomes, mais également les carcinomes bien moins redoutables, heureusement.

C’était donc une manière de montrer que « cancer » n’est pas forcément synonyme de pronostic grave. Se familiariser avec un terme qui n’était pas toujours utilisé librement en 1980, c’était important !

 

WUD Récemment, Mme Bertinotti, ministre déléguée à la Famille, a fait des révélations sur son propre cancer du sein. À sa place auriez-vous fait ce choix d’annonce publique ?

MD Je n’aurais en tout cas pas eu de réserve à le faire. Je le redis, c’est important qu’il n’y ait pas de tabou et que les gens puissent parler librement de cancer. Il faut en effet prendre conscience que l’on peut avoir un cancer et vivre.

Vivre avec sa maladie, c’est l’enjeu de demain. Dominique Bertinotti a fait le choix d’attendre la fin du débat sur le mariage pour tous pour révéler sa maladie. Je comprends tout à fait qu’elle n’ait pas souhaité que son image de combattante porteuse de la loi soit marquée par une certaine compassion.

 

WUD C’est seulement à 54 ans que vous faites vos premiers pas en politique. Pourquoi si tard ?

MD La politique m’a toujours intéressée. Mais le métier de médecin est un travail très prenant. Je ne me posais donc pas la question de m’investir dans d’autres activités.

À 54 ans, grâce à la parité notamment, les circonstances ont favorisé les choses et l’on est venu me chercher.

 

WUD Vos succès ont été extrêmement rapides. En 2004 vous gagnez les cantonales dans un bastion de droite, et en 2007 vous battez Alain Juppé aux législatives. Quelle ascension !

MD J’ai eu la chance de réussir en gagnant des élections pourtant jugées ingagnables. C’est ce qui explique mon ascension politique.

 

WUD Députée, vous cessez la clinique pour vous consacrer entièrement à la politique.

Comment s’est passée cette reconversion, à 60 ans ?

MD 60 ans, c’est tard, mais il y a un avantage car cet âge marque le début d’une période nouvelle.

Quitter mes fonctions à l’hôpital m’a permis de m’investir pleinement dans le métier de député, une activité à fortes responsabilités et particulièrement chronophage.

 

WUD Vous n’êtes pas le premier médecin à devenir député.

On pourrait croire qu’il existe une passerelle entre l’hôpital et l’Hémicycle. Comment expliquez-vous le succès de cette profession en politique ?

MD À mon arrivée dans l’Hémicycle, nous étions 20 médecins de droite, et 20 de gauche. Presque 10 % des députés. C’est remarquable, en effet !

À mes yeux, cela reste difficilement explicable.

Remarquons tout de même que sur les 40 médecins, nombreux sont ceux qui avaient exercé la médecine assez peu de temps. Les gens passés directement de médecin à député du jour au lendemain n’étaient pas la majorité. Seulement 3 ou 4, je dirais. Les autres avaient déjà quitté la médecine avant leur mandat.

 

WUD Le 16 mai 2012, après avoir soutenu François Hollande durant la campagne, vous êtes nommée à 65 ans ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie.

Une surprise, selon vos propres termes… Alors, qu’est-ce que cela fait de devenir ministre quand on ne s’y attend pas ?

MD C’est un changement de vie radical. Tout d’un coup, j’ai eu l’impression de retrouver une vie d’étudiante.

Je découvrais beaucoup de choses, et je passais mes journées à bosser énormément dans une pièce unique : mon bureau.

Et, comme les étudiants, je rentrais chez moi à Bordeaux le week-end, aussi souvent que possible.

Une aventure à laquelle je ne m’attendais effectivement pas. Une vie dans une vie.

 

WUD Dès votre arrivée, vous avez tenu à ce que soit modifié l’intitulé de votre fonction et à remplacer le mot « dépendance » par « autonomie »…

MD Est-ce que Marisol Touraine est ministre de la Maladie, ou de la Santé ? Est-ce que Michel Sapin est ministre du Chômage, ou de l’Emploi ?

De la même façon, moi je suis ministre de l’Autonomie. Aujourd’hui, je souhaiterais ajouter «et du Défi démographique ». Car il faut montrer que la question de l’âge est une question sociale et sociétale majeure. En 2025, 30 % de la population aura plus de 60 ans et ça, ça bouleverse tous les secteurs.

 

WUD L’une de vos principales actions au Gouvernement concerne la loi « d’adaptation de la société au vieillissement » souhaitée par le président Hollande. En quoi consiste ce projet ?

MD C’est une loi qui couvre tout le champ de l’âge et pas seulement l’autonomie.

Seulement 8 % des 15 millions de ressortissants de mon ministère sont en perte d’autonomie notable. La loi s’articulera autour de trois axes.

D’abord, anticiper et prévenir, pour retarder et amoindrir la perte d’autonomie.

Ensuite, adapter la société à ce défi au travers des logements, de l’urbanisme, des déplacements, des droits…

Et enfin, accompagner la perte d’autonomie. Ce dernier point correspond à la fameuse réforme de la dépendance.

 

WUD Nous avons appris récemment le suicide de Bernard et Georgette Cazes, deux personnes âgées, dans un hôtel de luxe.

Une affaire qui a relancé le débat sur le suicide assisté ?

MD Oui, en effet. C’est un événement qui interpelle, même s’il n’est pas révélateur du suicide des personnes âgées.

En France chaque année 3 000 personnes âgées se suicident. C’est le groupe d’âge au plus fort taux de suicide. Mais pour l’immense majorité, il s’agit de suicides par dépression, pour lesquels j’ai d’ailleurs lancé des actions de dépistage afin de prévenir les passages à l’acte.

En ce qui concerne Bernard et Georgette Cazes, il s’agissait plutôt d’un suicide à la Montherlant, qui s’était donné la mort quand il avait appris qu’il devenait aveugle et qu’il ne pourrait plus écrire.

Chez ce couple s’ajoutait aussi une dimension romantique, plus affective, devant le refus de se voir séparé par la mort. En un sens, il s’agissait d’un suicide de libre choix contre lequel aucune politique publique ne peut agir.

À ce propos, étant donné le débat public en cours sur l’accompagnement à la mort, je souhaite également rappeler que le problème du suicide assisté, comme toute question sur la fin de vie d’ailleurs, est soumis à discussion et analyse du Comité national d’éthique.

Il doit rendre un avis, en dehors de toute crispation passionnelle de la scène publique.

 

WUD Vous tenez un blog et êtes très présente sur Facebook et Twitter, que vous alimentez régulièrement. Pourquoi cette activité ?

MD Autrefois, on disait que pour sonder le terrain il fallait se rendre sous les préaux d’école, ou sur les places de marché. C’est un peu dépassé car maintenant, il y a Twitter.

En général, je twitte dans le fond de ma voiture, pendant ce que j’appelle mes « récréations ».

Être actif sur Twitter, c’est une stimulation cognitive et un très bon moyen de ne pas vieillir trop vite. Une grande étude américaine montre même que ça retarderait l’apparition de la démence. Alors, pourquoi s’en priver ?

 

Curriculum Vitae

 

8 janvier 1947 • Naissance à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

1963 • Baccalauréat à 16 ans.

1969 à 1974 • Internat en dermatologie.

2001 • Fonde l’association « Féminicité ».

2001 à 2007 • Siège au conseil municipal de Bordeaux où elle représente le PS.

2004 • Remporte la victoire aux cantonales dans un bastion de la droite et devient conseillère générale.

2007 • Soutient Ségolène Royal dont elle rédige la partie santé du programme présidentiel.

2007 • Bat Alain Juppé aux législatives.

2007 à 2012 • Siège comme Députée de la 2e circonscription de Gironde.

2008 • Assure la présidence de la commission « Personnes âgées, Handicap, Actions santé » du conseil général de Gironde.

16 mai 2012 • Nommée ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie.

 

Membre de :

• la Société française de dermatologie ;

• la Société française du cancer ;

• l'Organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer (EORTC) ;

• l'Académie européenne de dermatologie-oncologie (EADO).

 

Ouvrages

« L'Ambiguïté est le dernier plaisir », Actes Sud.

« La Ronde droite », Gallimard.

« Jardins de Bordeaux », Fanlac.

« L'Ephémérité durable du blog », Le Bord de l’Eau.

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