
Si beaucoup d’internes se considèrent comme des médecins, leur statut réglementaire est celui de médecins… sous tutelle. Une ambivalence qui se traduit aussi bien dans la loi que dans la pratique.
Beaucoup d’internes se considèrent comme médecins. Pour Jeanne*, interne en médecine générale, la question ne fait même pas débat : « quand on est interne, on n’est pas docteur mais on est médecin ! », revendique-t-elle. « Dans nos études, on nous dit qu’on est médecin à partir du moment où on a le droit de prescrire », confirme Florian Savignac, vice-président de l’Isnar-Img.
C’est une question délicate que le statut de l’interne. Plus vraiment un étudiant, pas encore un médecin, l’interne est dans un entredeux, un peu comme un adolescent trop vite poussé. Pas étonnant si dans Hippocrate, le jeune interne incarné par Vincent Lacoste a encore une tête à se percer les boutons devant sa glace.
Un médecin… par délégation
Que dit le droit ? Au regard de la loi, l’interne est un « praticien en formation spécialisée », c’est-à-dire un médecin, certes, mais en formation. Assez peu disert sur le statut de l’interne, le Code de la santé publique précise néanmoins qu’il « exerce des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins, par délégation et sous la responsabilité du praticien dont il relève. »
Délégation : c’est le mot-clé. L’interne n’est donc autorisé à pratiquer la médecine qu’en vertu du « praticien dont il relève », c’est-à-dire, en général, du chef de service à l’hôpital ou du maître de stage en ambulatoire. Un point de vue consacré par la jurisprudence, qui n’engage pratiquement jamais la responsabilité civile de l’interne en cas d’erreur médicale.
L’accès aux remplacements
« Il y a toujours une autorité au-dessus de l’interne », tranche le Dr François Simon, responsable de l’exercice professionnel au Cnom. Reste que la délégation d’activité médicale demeure un rien nébuleuse. « Pour la prescription, si je n’ai pas de question, je ne vais pas demander, et mon chef ne relit pas forcément tout », témoigne Jeanne. « Parfois, en garde ou aux urgence, on prescrit et ce n’est jamais revu par un sénior », confirme Florian Savignac.
L’Ordre fait clairement la différence entre l’étudiant encore bleu et l’interne aguerri. En début de formation, explique François Simon, la délégation pour la prescription et la réalisation de documents médicaux doit se faire au cas par cas. En revanche, s’il a validé assez de semestres pour pouvoir bénéficier d’une licence de remplacement, l’interne a les coudées plus franches : dans le vocabulaire byzantin de l’Ordre, il bénéficie d’une « délégation tacite étendue ».
Bonjour, je suis l’interne
Le remplaçant bénéficie d’ailleurs d’un statut à part au regard de la loi. Il est pleinement responsable des actes médicaux qu’il réalise, et endosse en son nom les prescriptions et les documents médicaux qu’il signe en lieu et place du médecin remplacé. Une autonomie pas toujours simple à assumer, précise Florian Savignac, pour qui cette opportunité intervient trop tôt dans le cursus.
L'ambivalence du statut de l’interne revient aussi, invariablement, au moment des présentations. « C’est toujours compliqué de se présenter : c’est un peu… indécent », confie Jeanne. « Il y a beaucoup de stages où on dit : vous vous présentez comme docteur. Pour ma part, j’ai un peu de mal avec ça et je me présente comme interne. »
Une contradiction insoluble
Alors, l’interne : médecin ou étudiant ? Les deux, bien sûr ! D'abord étudiant au début de son internat, il acquiert progressivement une autonomie matérialisée par l’accès aux remplacements, qui lui permet in fine de se revendiquer comme médecin à part entière. Inconfortable, voire schizophrénique, la position de l’interne a au moins un avantage : elle passe avec le temps… Comme l’adolescence.
* Le prénom a été modifié.
Source:
Yvan Pandelé
En Belgique (comme dans pas mal d'autre pays), l'équivalent du titre d'interne est "médecin assistant"...et nous sommes considérés comme tel.
L'usage du Dr XXX est "acquis" dès l'entrée en spécialisation (= début de l'internat) comme titre professionnel. En 6e année de médecine, les belges soutiennent un travail de fin d'étude qui valide entre autres leur master en Médecine ; ils sont donc thésés.
Tout le monde ici sait qu'est-ce qu'un médecin assistant ; il n'y a pas cet entredeux de "pas encore thésé mais déjà médecin".
Pour valider la spécialisation, il faudra réaliser et publier ou présenter une étude scientifique, passer un grand oral et obtenir une autorisation d'exercice autonome par le maître de stage qui a suivi l'impétrant pendant toute sa spécialisation.
Bonjour, n'hésitez pas à nous contacter à redaction@planetemed.fr, si vous acceptez d'être interviewé sur le parcours médical et l'exercice médical en Belgique pour notre rubrique, Médecin d'ici et d'ailleurs. LA.
Au Maroc nous devons terminer 7ans d'études et faire une thèse de doctorat avant de commencer la spécialisation (le résidanat au Maroc c'est l'équivalent de l'internat en France) donc automatiquement l'interne est "docteur" en cours de spécialisation.
N.B : après la thèse de la 7e Année tu est considéré comme médecin généraliste, donc Dr. Tu as donc le choix de te candidater au concours de la spécialisation ou exercer comme étant un généraliste.
En effet, merci pour ce commentaire. Nous parlions du parcours des médecins au Maroc dans cet article : https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/medecins-dici-et-dailleurs-au-m…
Aah je viens de lire, juste un update. La réforme qui devait réduire les années d'études à 6ans a été rejeté par les étudiants au niveau national. Nous avons entamé une grève générale et un boycott des cours et des stages de 11mois, et le gouvernement a finalement accepté les revendications, et a décidé d'appliquer la nouvelle réforme sur les nouveaux arrivants (pas ceux en 4ann en 2023 hihi). ✌🏻✌🏻
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