La vaccination fièvre jaune est elle toujours utile quand on se rend en Guyane ?

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À l’heure où une seule et unique infection virale, le covid-19, obsède la planète, et où les PCR sur écouvillons naso-pharyngées sont demandées larga manu pour monter dans un avion, les contrôles des carnets fièvre jaune au départ pour la Guyane sont complètement oubliés. Finalement cette exigence sanitaire a-t-elle encore un sens en 2020 ? Reprenons depuis le début…

La vaccination fièvre jaune est elle toujours utile quand on se rend en Guyane ?

La fièvre jaune, un fléau en Amérique du Sud

La fièvre jaune est une maladie liée à un virus de la famille des Flaviviridae, à laquelle appartiennent également les virus de la dengue et du Zika. Elle affecte les humains et les primates non humains et est transmise par la piqure de différents types de moustiques avec un cycle dit selvatique, alimenté par des moustiques forestiers (Hemagogus sp. en Amérique du Sud), et un cycle dit urbain, causé par le fameux Aedes aegypti, celui qui transmet également les virus de la dengue, du Zika, et du chikungunya. Après une période d’incubation de 3 à 6 jours environ, l’infection par le virus de la fièvre jaune provoque une atteinte hépatique gravissime pouvant conduire rapidement au décès. Elle a été à l’origine, même récemment au Brésil en 2016-2017, de grandes épidémies et d’épizooties chez les grands singes, en Amérique du Sud avec des taux importants de mortalité (15 à 35%). Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou, Brésil et Venezuela sont des pays considérés comme à haut risque par l’OMS.
 

Quid de la fièvre jaune en Guyane ?

En Guyane et dans les pays voisins du bouclier des Guyanes,  les cas rapportés sont rares. La fièvre jaune émaille l’histoire de la conquête de cette région, et l’échec de l’expédition de Kourou au 18e siècle, qui avait abouti à plusieurs milliers de décès, serait attribuée par certains à une épidémie liée à ce virus. L’image d’enfer vert qui persiste encore de nos jours de la Guyane peut en partie être attribuée à ce pathogène. Au 20e siècle, seuls deux cas mortels y ont été recensés, un au début du siècle en 1902 puis près de 100 ans plus tard en 1998 chez une Amérindienne Wayana du Haut Maroni, fleuve qui sépare à l’Ouest la Guyane du Surinam. Récemment une recrudescence des cas a été notée. Un cas non mortel a été diagnostiqué en mars 2017 aux Pays-Bas chez une touriste hollandaise non vaccinée qui revenait du Surinam. Plus récemment en Guyane, 2 cas mortels ont été rapportés en moins d’un an en août 2017 puis avril 2018. Le premier a été diagnostiqué chez une femme brésilienne d’une quarantaine années, ayant déclenché ses symptômes sur un camp d’orpaillage guyanais sur le lac de Petit Saut, peu de temps après son arrivée clandestine du Brésil via l’Amapa.  Il n’a pas pu être pu être précisé avec certitude si elle avait contracté le virus au Brésil ou en Guyane. Aucun lien n’avait pu être également établi avec l’épidémie et l’épizootie qui sévissaient dans le sud du Brésil à la même époque. Le second cas guyanais était survenu un an plus tard chez un ressortissant suisse d’une quarantaine d’années, non vacciné, vivant sur la Comté, fleuve situé à quelques dizaines de kilomètres de Cayenne, et arrivé quelques mois plus tôt par voie de terre depuis l’Argentine. Malgré une évacuation sanitaire et transplantation hépatique en urgence à Paris, le patient était en post-opératoire. Récemment un nouveau cas a été décrit chez un enfant amérindien Wayana de 14 ans, vivant à Kayodé, sur le Haut Maroni, et décédé très rapidement d’une hépatite fulminante alors qu’il était co-infecté par le SARS-CoV2. L’enquête épidémiologique a montré qu’il avait été vacciné à l’âge d’un an et demi sans bénéficier du rappel vaccinal normalement recommandé par les autorités françaises chez les enfants vaccinés avant l’âge de 2 ans. Sa sérologie était négative, témoignant d‘une absence d’immunité préalable. L’origine de la contamination de ce jeune patient reste inconnue mais on suppose qu’elle s’est faite au sein du village puisque celui-ci ne sortait que peu de chez lui. Enfin, on retrouve des taux de séroprévalence importants chez certaines espèces de singes de Guyane, comme le signe hurleur roux ou le saki à face pâle, même si ces études sont un peu anciennes.
 

En fin de compte, cela vaut-il la peine de se faire vacciner contre la fièvre jaune pour la Guyane?

Il existe un vaccin contre la fièvre jaune avec une efficacité vaccinale importante, après une seule vaccination, selon les recommandations récentes de l’OMS et du Haut Conseil de Santé Publique, à l’exception des jeunes enfants vaccinés tôt et des immunodéprimés. En Guyane, cette vaccination est obligatoire, et la couverture vaccinale a récemment été évaluée par l’équipe d’épidémiologie de l’Institut Pasteur de la Guyane et estimée à environ 95%. Il existe cependant des disparités territoriales importantes, avec notamment une sous-vaccination sur le Maroni. Ce taux élevé de couverture vaccinale permet de maintenir une immunité collective et évite de voir surgir des épidémies urbaines, les cas se cantonnant à des cas anecdotiques de transmission forestière.
Il est exigé de présenter une vaccination fièvre jaune à jour à l’aéroport, le fameux carnet jaune, pour toute personne se rendant sur le territoire guyanais depuis 1967. Néanmoins, cela fait plusieurs mois que ce document n’est plus exigé à l’aéroport pour les voyageurs se rendant en Guyane du fait de la priorité donnée aux contrôles liés au SARS-CoV2. Or, le virus circule probablement à bas bruit en Guyane dans la faune sauvage, et si les cas sont rares à ce jour dans ce vaste territoire français en Amazonie, ils sont pourtant très souvent mortels, touchent à intervalle régulier des voyageurs venant visiter la Guyane ou les pays voisins et ne devraient donc pas être pris à la légère. Ainsi, il est urgent de rétablir un contrôle des carnets fièvre jaune au décollage vers la Guyane, au risque de voir ressurgir le spectre de cette arbovirose du passé.
 
 

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