Financements innovants : des soins infirmiers rémunérés au temps passé

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Le projet d’expérimentation EQUILIBRES propose de remplacer le paiement « à l'acte » des infirmiers libéraux par un paiement « au temps passé ». Objectifs : améliorer l'autonomisation du patient et les conditions de travail des infirmiers à domicile.

Financements innovants : des soins infirmiers rémunérés au temps passé

L'article 51 de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2018 vise à promouvoir les innovations organisationnelles pour la transformation du système de santé. C'est dans ce cadre qu’a été pensé le programme EQUILIBRES (Equipes d’Infirmières Libres Responsables et Solidaires), soutenu par l'association Soignons Humain et inspiré du modèle développé aux Pays-Bas. En mettant en place une forfaitisation au temps passé pour les soins infirmiers à domicile, EQUILIBRES souhaite instaurer un système de prise en charge en équipe focalisé sur les patients, leur autonomisation et leur qualité de vie.

Une nomenclature inadaptée

Chaque professionnel de santé a à cœur d'être toujours meilleur dans sa pratique, dans l'intérêt de ses patients et par amour de son métier. « EQUILIBRES permet de créer un contexte qui accompagne les infirmiers libéraux à domicile dans cette motivation », explique Guillaume Alsac, président de l'association Soignons Humain.

Il dénonce dans la rémunération à l'acte un système « injuste et pervers », notamment car les actions de prévention et d'éducation thérapeutique ne sont pas comprises dans la nomenclature. Mais surtout, car il existe un rapport de 1 à 7 entre les soins les plus rémunérés et ceux qui le sont le moins : certains actes sont très rémunérateurs (par exemple, les soins palliatifs), d'autres beaucoup moins (par exemple, la toilette). Le taux horaire varierait ainsi de 16 à 200 € (sans compter les charges). « Cela oblige l'infirmier à opérer un arbitrage entre les besoins de ses patients et ses besoins propres, un choix qui sera toujours mauvais, en plus d'être source de stress et d'anxiété » déplore Guillaume Alsac.
 
Par ailleurs, la nomenclature actuelle est complexe : « les infirmiers dépensent une énergie considérable à se former à la nomenclature, et les médecins de la Sécurité sociale passent leur temps à vérifier la codification », précise Guillaume Alsac. Et de conclure : « cette complexité ne produit rien en terme de qualité de soins »

Un autre paradigme

En assurant la sécurité des revenus des infirmiers à domicile, EQUILIBRES se fixe pour but de diminuer leur niveau d'anxiété, tout en recentrant les soins sur les patients. « On part de la croyance que la qualité des soins vient de la motivation du professionnel et des obstacles à son travail », précise Guillaume Alsac. Les soins de prévention et d'éducation thérapeutique seront rémunérés au même titre que les soins curatifs, ce qui va dans le sens d'un « empowerment » des patients.
 
EQUILIBRES fonctionne sur la base du volontariat (des équipes de 3 ou 4 infirmiers), suivant un principe de confiance et de transparence : l'infirmier évalue le temps nécessaire pour son patient, et l'inscrit dans un référentiel (baptisé OMAHA). Sur ce même fichier, il rend compte de son travail et de ses effets sur le patient. Sur cette base déclarative, des audits peuvent être menés par les médecins conseils de la Sécurité Sociale.
 
L'expérimentation (actuellement en phase de test avec une seule équipe) devrait commencer début 2020, pour une durée de 3 ans. Elle concernera environ 200 infirmiers (soit une cinquantaine d'équipes) de 3 régions : les Hauts-de-France, l'Île-de-France et l'Occitanie. L'Assurance Maladie  mènera l'évaluation, au moyen d'outils qualitatifs et quantitatifs (taux de décès, d'hospitalisation, quantité d'actes …). A suivre !
 

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