
C’est sous la menace du déremboursement des prescriptions des médecins en secteur 3 par l’Assurance maladie, l’été dernier, qu’est né le syndicat MS3.
Dr Kamyar Dadsetan, médecin généraliste à Paris depuis 2021 en est le président. Son parcours est atypique : à l’origine pharmacien, c’est pour « aller plus loin dans le soin et la prise en charge des patients » qu’il a repris ses études pour devenir d’abord médecin urgentiste.
« J’ai travaillé à l'hôpital pendant un temps. Mais, comme j’avais le double diplôme d'urgentiste et de généraliste, j'ai pu m'installer en tant que médecin généraliste il y a un peu plus d’un an. » Et donc en secteur 3, hors de la convention médicale.
Le déremboursement des prescriptions, « éthiquement contestable et dangereux »
En France, il y a un peu moins de 1 000 médecins en secteur 3 et Kamyar Dadsetan affirme que pour « chaque médecin, on compte approximativement 1 000 patients. » Dérembourser les prescriptions, aurait de nombreuses conséquences sur ce million de Français qui devront « assumer seul le coût de tous leurs médicaments, même ceux essentiels à leur survie. »
« Tout deviendrait entièrement à la charge du patient qui cotise pourtant au même titre que tout le monde. » Pour lui, c’est très clair : cela est éthiquement contestable, et dangereux.
En quelques mois, le syndicat MS3 compte déjà 130 adhérents. Sur leur site internet, on apprend que celui-ci a pour but de défendre les médecins déconventionnés en choisissant prioritairement la voie juridique.
Kamyar Dadsetan explique : « Nous faisons appel à un cabinet d'avocats qui est spécialisé en droit constitutionnel pour nous défendre contre les différentes menaces anti-secteur 3 actuelles et à venir. »
C'est d’ailleurs ce qu’il s’est passé lorsque l’Assurance Maladie a souhaité dérembourser leurs prescriptions. « Nos avocats ont remarqué différentes failles juridiques si jamais la proposition de l’Assurance maladie avait été votée. » Les membres du syndicat s’accordent à dire que la voie juridique s’avère plus efficace que le lobbying, par exemple.
Les objectifs, revendications et missions du syndicat
Le syndicat MS3 a aussi pour objectif « d’améliorer la pratique quotidienne », et plusieurs projets sont en cours ! Un logiciel d’aide à la prescription notamment est en cours d’élaboration. « Un de nos collègues a aussi une formation d’ingénieur, et il est très calé en intelligence artificielle », témoigne le fondateur. Le site internet du syndicat disposera aussi bientôt d’un espace dédié aux remplacements dans le secteur 3.
Autre revendication : permettre aux soignants déconventionnés d’être maître de stage universitaire. « En passant médecin non conventionné, le praticien perd son droit à former des internes », une situation que déplore Kamyar Dadsetan.
« Surtout qu’on en aurait bien besoin en ce moment et que certains de nos confrères l’étaient avant de se déconventionner », lance-t-il en référence à la réforme de la quatrième année de médecine générale qui nécessite de recruter plusieurs milliers de maître de stage. Il ajoute que conventionnés ou non, les praticiens ont les mêmes connaissances.
Enfin, le système de garde pose aussi problème pour les médecins de secteur 3. Kamyar Dadsetan développe : « Un soignant déconventionné qui, sur la base du volontariat, fait une garde, sera rémunéré au tarif conventionné. Or, nous avons des charges plus élevées dans le secteur 3. » C’est injuste, selon lui.
Le syndicat défend aussi ses patients. Il milite pour l’augmentation du tarif d’autorité. « Rien ne justifie qu’il soit aussi bas. Même en le revalorisant à 10 € au lieu de 61 centimes, cela resterait rentable pour l'assurance maladie. Et ils amélioreraient l'accès au soin pour les patients ! », explique le généraliste parisien.
Mais, l’absence totale de communication avec l’Assurance maladie complique les choses : « Nous n’avons aucun contact avec eux. On ne connait pas leur position sur le sujet. Mais, vu le contexte économique actuel, je pense que tout est fait pour ne pas dépenser de plus, donc je ne suis pas sûr qu’ils aient envie d’augmenter le tarif d'autorité… »
Pourquoi les patients consultent-ils un médecin déconventionné, quitte à payer plus cher ?
Et Les patients alors ? Parlons-en. Pourquoi choisir de payer une consultation plus chère (80 € avec le Dr Kamyar Dadsetan), et surtout qui ne sera pas remboursée ? Kamyar Dadsetan confie que ses patients viennent le voir car ils ont été « déçus de la qualité de prise en charge de leur médecin conventionné à cause du manque de temps à leur consacrer. » Par ailleurs, il précise qu’il est impossible de consulter un médecin secteur 1 et de lui exposer plusieurs motifs de consultations.
Le généraliste insiste : son but n’est absolument pas de blâmer ses confrères. « Ils n’ont pas le temps de tout traiter ! Ils sont surmenés. Ce qui amène les patients à parfois attendre plusieurs semaine un rendez-vous. »
En étant déconventionné, Kamyar Dadsetan affirme pouvoir prendre plus de temps pour chaque patient et se permettre de traiter plusieurs motifs de consultation. De plus, le médecin peut sacraliser des plages de rendez-vous pour les urgences. Il dispose de plusieurs créneaux pour le jour même. « C’est précieux, et c’est ce qu’attendent les patients. »
Le seul inconvénient à être déconventionné selon lui, « c’est qu’on nous dit sans arrêt que nous vivons dans un entre-soi, qu’il y a un accès au soin défavorable parce que ce serait une médecine de riches. Mais, lorsqu’on le vit vraiment, on comprend que ce n’est pas vrai. »
Le Parisien explique qu’il y a « tous les niveaux sociaux » dans sa patientèle. Il justifie cela par la capacité à adapter ses tarifs, car ils ne sont pas imposés. « Il m'arrive de faire moitié prix pour un étudiant ou de ne pas faire payer du tout quand je vois une personne avec de grosses difficultés financières. » Il explique s’être aligné sur ses confrères du même secteur pour les tarifs de consultation : 80 € pour 30 minutes au cabinet, 40 € pour 15 minutes en téléconsultation.
Pour lui, il insiste, ce qui limite réellement l’accès au soin, c’est le tarif d’autorité ridiculement bas de l’Assurance Maladie, « alors que les patients cotisent ! ».
Le secteur 3, une solution à l’épuisement professionnel ?
Et du côté des médecins, pourquoi se déconventionner ? « Parce que la convention est maltraitante », rétorque le chef du syndicat. Pour lui, c’est la pression qu’elle impose qui est toxique pour les soignants. « Elle incite à aller de plus en plus vite, à voir de plus en plus de patients alors qu’on est déjà overbooké, tout cela pour avoir un bon chiffre d'affaires. »
Après des discussions avec des confrères passés du secteur 1 au 3, Kamyar Dadsetan témoigne que ces médecins étaient « en souffrance, en pré burn-out ou en burn-out. »
Pour lui, le secteur 3, c’est une solution pour « éviter l’épuisement professionnel. » et retrouver de « l’épanouissement dans son travail, du temps pour soi, pour sa famille et ses amis. »
En bref, se déconventionner serait un moyen de retrouver une sérénité dans son exercice, sans la pression qu’impose le secteur 1. « On n'est plus débordé, on ne fait pas d'abatage de patients et on retrouve aussi le respect des patients, car ils se rendent compte que notre acte a de la valeur. Finalement, on retrouve le sens de notre métier »
Kamyar Dadsetan, lui, s’est installé directement en secteur 3, et il le recommande aux jeunes médecins ! « Personnellement je ne vois rien de de bon à la convention. Autant directement faire de la médecine comme on aime, et sans finir en burn-out. »