Dans le coeur de l'humanitaire : quelles motivations ?

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Le médecin humanitaire représente une figure symbolique dans l'inconscient collectif. Focus sur les racines de ce mythe.

Dans le coeur de l'humanitaire : quelles motivations ?

Vocation, don de soi et sacerdoce 

Rêver d’humanitaire peut nous prendre au berceau ! Pour Marion, psychiatre, l’humanitaire était incontournable. Elle est partie 6 mois, juste après sa thèse. À la question : pourquoi partir ? Elle répond que c'était autant que c’était autant pour le côté humain que pour l'expérience professionnelle et personnelle. "Il suffit de soigner une seule personne pour savoir pourquoi on est la". Chaque rencontre où notre présence est bénéfique génère une grande satisfaction."

Au delà de l’image un peu naïve du sauveur – première cause de déception chez les candidats au départ –, il y a le sentiment d’utilité. Mais encore ? Etre médecin, c'est déjà aider les autres. Et soigner les plus démunis est aussi possible à côté de chez soi. Alors pourquoi aller aussi loin pour se sentir utile? 

"L'humanitaire est parfois synonyme de néocolonialisme caritatif"

Première piste : la culpabilité. d’avoir des conditions de vie confortables, au contraire de pays beaucoup moins "chanceux". Gare à l’écueil du sacrifice de soi pour expier l’injustice dont on n’est pas soi-même victime ! Donc coupable…

Car le principe du don de soi n’est valable, surtout sur le long terme, que s’il permet une forme de plaisir personnel. Patrick, chirurgien plasticien, président de l'Association Inter-plast France, spécialisée en chirurgie plastique et reconstructrice dans les pays en voie de développement, est critique : "L'humanitaire est parfois synonyme de néocolonialisme caritatif, assorti d'un paternalisme un peu manipulateur…".

A l'écoute des demandes des populations qu’il opère, il a développ. le concept d’ethnochirurgie. Il est lucide sur ses propres motivations : "Partir en mission pour moi, ce n'est pas donner, c'est se faire plaisir ; je ne donne pas, je prends".

Voyages, aventures et images 

L'intérêt pour les voyages et la découverte d’autres cultures revient souvent dans les motivations exprimées par celles et ceux que nous avons interrogés. Il faut bien un peu d’envie d’aventure et de curiosité pour s’engager dans la voie humanitaire.

Chantal, anesthésiste, ancienne présidente d'Handicap Santé, association qui intervient au Tchad auprès de personnes souffrant de problèmes ortho, est tombée dans l’humanitaire "par hasard". "J'ai rencontré des gens et j’ai eu l'opportunité de partir. J'ai fait ça parce que je le pouvais". Jeune diplômée, elle est partie en tremblant, poussée par l’envie de découvrir une autre terre d’exercice, plus terrifiée par les "grosses bestioles" dont certains lui avaient parlé que par la précarité de l'installation médicochirurgicale. "Je me disais : si je tiens 48 h, ce sera déjà pas mal !" Vingt ans plus tard, elle continue encore.

Jouir de l’aura de l’humanitaire est plus rarement reconnu. Nicolas, chirurgien militaire ayant participé à des missions en Afrique, l’assume sans langue de bois : "Je suis parti pour me rendre utile, et un peu pour me sentir fier, pouvoir me vanter. Et bien sûr pour les bénéfices secondaires : voyager, vivre des expériences. J'ai réalisé la chance que j'avais d'être né en France et d'avoir une très bonne formation médicale".

Au diable l’illusion du pur don de soi ! Pour s’épanouir dans l’humanitaire, il faut un certain intérêt perso. A chacun de comprendre ses motivations, et avant de partir, c’est mieux ! Le principal n’est pas de savoir si les raisons sont bonnes ou pas, mais si elles sont suffisantes pour surmonter les difficultés rencontrées, si elles s’accordent avec la mission et ses exigences.

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