Commission d’enquête Covid-19 : La France, le mauvais élève européen

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Mercredi 2 décembre, la Commission d’enquête Covid-19 remettait ses conclusions sur la gestion de la crise. Au programme ? Un bonnet d'âne écopé à cause d'un manque d’anticipation, une gestion chaotique et une vision du système de santé hospitalo-centrée.
 

Commission d’enquête Covid-19 : La France, le mauvais élève européen

Un État mal préparé, un pilotage chaotique ponctué de nombreux retards et un système hospitalo-centré… Telles sont les terribles conclusions du rapport dressé par la commission d’enquête sur « l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus ». Après six mois d’investigation et 130h d’auditions, Eric Ciotti, son rapporteur, le présentait, mercredi 2 décembre, lors d'une conférence de presse à l’Assemblée Nationale.
 
La France n’a pas fait ses devoirs
 
« La France ne se situe pas dans les bons élèves », a lâché le député Les Républicains. Un constat sans appel basé sur la gestion de la crise de nos voisins européens. Près d’un an après l’apparition du Covid-19 à Wuhan en Chine, la France se situe au 4e rang des pays les plus touchés en Europe. La moyenne des décès français est ainsi de 727 millions, contre 532 en moyenne dans le reste de l’Europe. L’Hexagone, qui avait, « la certitude un peu caricaturale que l'on était les meilleurs en matière de santé [...] tombe de haut », a asséné l’élu. Une mauvaise note qu’on doit en premier lieu, selon le rapporteur, à un « désarmement » global de l’État face au risque pandémique. Une situation que la France devrait au risque terroriste mais également des critiques réceptionnées par le gouvernement après la surévaluation du risque épidémique de la crise H1-N1. Pour preuve de ce manque de préparation, Eric Ciotti pointe du doigt la dissolution, en 2016, de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) alors intégré à Santé Publique France. « Sa fusion au sein de SPF a conduit à diluer ses compétences propres en matière de logistique », indique le rapport. Une baisse de vigilance qu’on retrouve également dans la diminution du nombre d’exercices type « pandémie ». Organisé de manière annuelle dans les années 2000, le plan « pandémie grippale » a tout bonnement cessé d’être testé à partir de 2013.
 
Une gestion cacophonique
 
Outre cette absence de préparation, la commission d’enquête a également sévèrement dénoncé une « gestion chaotique » de la crise. Un capharnaüm que la France devrait à une « multitude d’intervenants ». Parmi eux, on peut citer le conseil scientifique, Haute autorité de santé, agence du médicament, cellules interministérielles... « On a manqué d’un commandant en chef, d’un pilotage unique », commente l’élu des Alpes-Maritimes, qui martèle que « le ministère de la Santé a préempté la gestion de la crise alors qu’il n’était pas armé pour cela ». À la différence, du ministère de l’Intérieur. Une « confusion » qui s’est également fait sentir au niveau des délégations des agences régionales de santé, « trop éloignées de la réalité du terrain ». Un constat qui le pousse à proposer la suppression des ARS, « au profit de délégations départementales sanitaires sous l’autorité du préfet » plus proche de la population.
 
Ces « chaînes de décisions trop longues » seraient à l’origine, selon le rapporteur, des nombreux retards français. Retard, tout d’abord au niveau de la date du début du confinement du printemps. « Alors que [l’Italie] connaît une vague épidémique qui précède celle de la France de 10 à 12 jours, les premières mesures de confinement y sont instaurées dans une dizaine de villes dès le 21 février, quand la France ne sera confinée que le 17 mars, soit 24 jours plus tard », souligne le rapport. Retard ensuite, au niveau, bien sûr, des commandes de masques. « L’enquête précitée réalisée par le Sénat auprès des professionnels de santé de ville révèle ainsi que seuls 24,5 % des médecins, 32,2 % des pharmaciens et 14 % des infirmiers s’estimaient mi-avril convenablement équipés », souligne le rapport. Mais, également des retards dans la politique de dépistage. La croissance de la courbe épidémique parallèle à celle de la demande de tests au sortir de la période estivale « a provoqué une embolie du système de dépistage et finalement une mise en échec de la stratégie gouvernementale 'Tester, tracer, isoler' ». Un enjeu crucial pourtant identifié depuis mai.
 
Un système de soins « hospitalo-centré »
 
Autre point qui crispe, selon le député Les Républicains : la politique hospitalo-centrée menée durant la crise sanitaire. « Si ‘l’hôpital a tenu’, grâce à un immense effort de réorganisation et de mobilisation, on ne peut ignorer le fait que ceci n’a été possible qu’au prix de la déprogrammation généralisée des soins non urgents et de la question de la prise en charge de nos aînés », a-t-il assuré. Il souligne également les « failles structurelles » qui ont compliqué la tâche des soignants. Un commentaire associé au constat d’erreurs réalisées par le passé , notamment « sur la diminution du nombre de lits » dans les hôpitaux.
 
Une vision hospitalo-centrée qui a également fait passer au second plan certaines structures comme les EHPAD ou les services d’aide à domicile, surnommé « les grands oubliés » de la première vague par le rapport. Dans leur viseur : le manque parfois criant de matériel.  « Ce problème est particulièrement aigu dans la mesure où, […] l’hébergement en établissement réunit toutes les conditions pour qu’un virus fortement contagieux et se présentant sous des formes cliniques atypiques y entraîne des catastrophes », indique le rapport qui rappelle également que sur les 29 933 personnes décédées entre 1er mars et le 7 juillet, près de la moitié étaient en EHPAD. Un constat qui a poussé le rapport à proposer de « revoir en profondeur le modèle des établissements pour personnes âgées dans le cadre de la loi sur le grand âge ».
 
Une autre interrogation sous-tend cette réflexion sur les personnes âgées. Une baisse de cette population fragile en réanimation a été constatée au fur et à mesure de la première vague, selon le député. « Elle est passée de 24% au début du mois de mars à seulement 14% lors de la semaine du 30 mars au 5 avril (période du pic de l’épidémie), avant de se stabiliser à environ 17% », chiffre Eric Ciotti. Malgré l’absence de doctrine officielle sur un possible « tri des patients », le rapport confie que ces données conduisent « à s’interroger sur la possibilité effective pour les personnes âgées et très âgées, et notamment celles hébergées en établissement, d’être admises dans les services de réanimation au plus fort du pic épidémique ». Des allégations qui ont été réfutées, précise le rapport, "par le directeur de l’ARS d’Île- de-France, M. Aurélien Rousseau, et le ministre des solidarités et de la santé, M. Olivier Véran, qui ont affirmé lors de leurs auditions, qu’aucune régulation fondée sur l’âge n’avait été opérée pour l’accès en services de réanimation."

Des pistes de réflexion
 
Au regard de cette ribambelle de problématiques, la commission a présenté plusieurs propositions censées régler les problèmes dénoncés. Le rapport propose ainsi de « retrouver une forme de souveraineté sanitaire », en produisant 50 % des produits d’intérêt vitaux nécessaires à la France – comme les médicaments, les tests, les respirateurs ou encore les télécommunications. Un travail conséquent qui serait confié à un « ministre délégué, placé auprès du Premier ministre, qui serait chargé de l’anticipation des crises, qu’elles soient sanitaires ou d’une autre nature ». Le rapport promeut également la création d’un institut hospitalo-universitaire « dans chaque zone de défense ». Leur mission ? Se concentrer exclusivement sur la question des maladies infectieuses. Comprendre, « soigner » et « tester ». Elle soutient également la reprise des exercices de risque pandémique et souhaite l’élaboration d’un plan générique, et non plus uniquement grippal. Concernant le système de soin, la Commission vient également avec une valise de propositions. Ainsi, elle prône le renforcement du lien ville-hôpital qui permettrait aux hôpitaux de souffler, la mise en place de moyens humains et financiers alloués à la réserve sanitaire, la polyvalence de certaines professions médicales ou encore de "rééquilibrer le partage des pouvoirs à l’hôpital entre les directeurs d’établissements et les représentants du corps médical".
 
Pour l’heure pourtant, Éric Ciotti estime qu’il reste encore du travail à abattre par la commission d’enquête. Il souhaite en effet qu’elle poursuive ses auditions d’ici à la fin de la période d’urgence sanitaire en février prochain. « La première vague pour les Français a été marquée par l’échec des masques, la deuxième vague par l’échec des tests, faisons en sorte que la troisième ne se caractérise pas par l’échec des vaccins », a martelé le rapporteur. 

Source:

Le rapport de la Commission d'enquête Covid-19 : 
https://fr.scribd.com/document/486654672/Rapport-de-la-mission-d-information-sur-la-gestion-de-l-epidemie-de-Covid-19

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