Chèque psy : Un démarrage raté à cause de nombreux freins

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Lancé en grande pompe le 1er février dernier, le dispositif « Santé Psy étudiant » séduit peu. En tout, seules 905 séances avaient été prises au 10 avril par les étudiants. Et seuls 1399 psychologues se sont portés volontaires.

Chèque psy : Un démarrage raté à cause de nombreux freins

Moins de mille. C’est le nombre de rendez-vous pris par les étudiants français depuis le lancement du parcours de suivi gratuit, Santé Psy Étudiant, il y a près de deux mois. Une bouée de secours donc, imaginée pour venir en aide aux jeunes éprouvés par la crise sanitaire, qui peine à atteindre sa cible côté psy, mais également côté patient.

C’est le 21 janvier dernier que Emmanuel Macron annonçait en grande pompe le lancement de ce « chèque d’accompagnement psychologique » d’un montant de trente euros pour les étudiants. « L'objectif, c'est que tout étudiant qui se manifeste ou qu'un proche manifeste puisse avoir accès à un parcours de soin », clamait-il quelques jours avant l’inauguration de ce dispositif. Au programme donc, la possibilité pour tout étudiant qui en ferait la demande de s’inscrire sur la plateforme officielle afin de bénéficier de trois séances renouvelables une fois chez un psychologue ou un psychiatre. Cela, sans avoir à débourser un centime.

Les patients, pas prêts à faire le parcours du combattant

Un parcours de soin gratuit, certes, mais pour lequel les étudiants doivent s’armer de patience. Avant de pouvoir bénéficier d’un suivi psychologique, c’est en effet chez le médecin généraliste ou un service de santé universitaire que le jeune doit prendre rendez-vous. La prescription de ce dernier en poche, le quémandeur peut ensuite se rendre sur la plateforme Santé Psy Étudiants afin de solliciter les services des psychologues partenaires. Une « démarche coûteuse psychologiquement », selon les mots du secrétaire général du syndicat national des psychologues, qui peinerait à convaincre les étudiants de se jeter dans la mêlée. « Quand quelqu’un n’est pas bien, ça ne sert à rien de multiplier les acteurs… Il y a des études qui montrent qu’à partir du moment où on met en place des intermédiaires qui ne sont pas en soins nécessaires il y a un retard de prise en charge de plusieurs années. », ajoute Patrick-Ange Raoult. Cela, sans oublier que trois séances de quarante-cinq minutes, renouvelables une fois, ne seraient pas toujours suffisantes pour venir en aide à ces jeunes où les cas de troubles anxieux et d’idées suicidaires se multiplient ces dernières semaines. « Arrivé au bout de six séances, le patient n’a aucun relai », s’inquiète le praticien.  

L’obligation de prescription, une aberration pour les professionnels

Du côté des professionnels également, ce dispositif peine à convaincre. À l’heure actuelle, seule 1 400 d’entre eux se sont inscrits sur la plateforme. Un seul notamment dans la Creuse. Premier point qui les freine ? La prescription médicale. « Qu’il y ait des médecins généralistes qui nous adressent des patients, nous trouvons ça normal… », débute le secrétaire général. Ce qui crispe la profession, c’est l’obligation. « Pour l’évaluation psychologique, nous sommes compétents ! Nous sommes les seuls à être formés, que je sache », poursuit Patrick-Ange Raoult qui y voit une volonté du gouvernement de garder la main mise sur les psychologues.

Un tarif insuffisant

« Mais ce qui fait vraiment hurler la profession, c’est le tarif ! », poursuit le secrétaire général. Trente euros sans reste à charge pour le patient, c’est environ quinze dans la poche du professionnel. « Le profil des praticiens qui acceptent sont généralement des jeunes qui s’installent et qui sont prêts à accepter n’importe quel prix », indique Patrick-Ange Raoult, qui confie être pourtant conscient des inquiétudes de ses jeunes confrères. « Ils sont arrivés en masse ces quatre-cinq dernières années dont ils sont très angoissés par les perspectives d’avenir qui leur semblent plus restreintes », indique-t-il.

Si le chèque psy est une solution d’urgence qui n’a pas vocation à durer, les syndicats s’inquiètent de la direction que ce dispositif fait prendre à la profession. « C’est dit transitoire et expérimental, mais derrière il y a tout un débat qui est en train de se faire pour fixer un tarif. Si ça fonctionne, le tarif pour toute leur carrière sera aux alentours de 30 euros. On ne s’en rend pas forcément compte à 30 ans », indique Patrick-Ange Raoult. Une conviction qui pousse son organisation à se mobiliser. « C’est de notre responsabilité d’anticiper les effets sur une carrière pour les jeunes qui s’engagent », conclut-il.

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