Agnès Buzyn n’a "pas compris l’urgence de la situation", estime le CIH après une rencontre

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Suite à la conférence de presse des 1 100 médecins démissionnaires du collectif Inter Hôpitaux (CIH), Agnès Buzyn a rencontré des membres du collectif. Compte-rendu de cette réunion.
 

Agnès Buzyn n’a "pas compris l’urgence de la situation", estime le CIH après une rencontre

Après avoir essuyé plusieurs fins de non-recevoir, six représentants du Collectif Inter Hôpitaux (CIH), parmi les 1101 praticiens démissionnaires, ont enfin rencontré ce vendredi 17 janvier 2019, Agnès Buzyn, ses collaborateurs, et deux présidents de conférences de CME (de CHU et de CHG). L’entretien, qui a duré plus de deux heures et demi, a été l’occasion de revenir sur les points suivants : augmentation de 300 euros nets pour les personnels non médicaux, sous-effectifs, augmentation de l’Ondam (Objectif national des dépenses d'assurance maladie) hospitalier, reprise de la dette, gouvernance…
 
Les membres du CIH sont tout d’abord revenus sur l’augmentation de 300 euros nets mensuels des personnels hospitaliers non médicaux pour « stopper l’hémorragie en améliorant l’attractivité » de l’hôpital public, rappelant au passage que les infirmières françaises ont une rémunération au 28e rang sur 32 pays de l’OCDE.
 
Réponse de la ministre de la santé ? « La question des effectifs n’est pas liée à une revalorisation des salaires », car une meilleure organisation des services permettrait « d’éviter l’absentéisme et la fuite vers le libéral », rapporte le communiqué du CIH daté du 17 janvier.
 
Le collectif a donc largement insisté sur le fait que « les sources de l’absentéisme étaient liées aux conditions de travail à flux tendus permanents, déplacements de postes, absence de remplacements de grossesses et maladies ordinaires. » Des conditions de travail qui sont issues directement du manque de moyens et d’effectifs, selon le CIH. Mais cette remarque n’aurait pas été prise en compte pour mettre en place des groupes de réflexion futurs, ce qui fait dire au collectif qu’Agnès Buzyn « n’a toujours pas entendu notre message ».

Rehaussement de l’Ondam refusé

Autre demande importante du collectif : le rehaussement de l’Ondam hospitalier, soit bien au-delà de l’augmentation supplémentaire votée en novembre 2019 (+ 2,3%). Un point que la ministre n’a pas accepté de discuter, selon le CIH, qui en conclut qu’elle a « refusé une augmentation générale des salaires, considérant que les primes spécifiques octroyées en novembre pourraient résoudre le problème de l’attractivité ».
 
Concernant la reprise de la dette des hôpitaux, Agnès Buzyn a indiqué que « la reprise de la totalité de la dette n’était pas envisageable ni souhaitable ». Selon elle, la reprise du tiers de la dette sur 3 ans (10 Milliards sur 3 ans à partir de 2020) permettrait aux hôpitaux publics « d’économiser 800 millions à 1 milliard d’euros en évitant de payer les intérêts concernés par cette reprise partielle. » Une économie qui, selon la ministre, devrait être utilisée « pour des investissements ou de l’emploi », rapporte le CIH.
 
Or, selon le collectif, avec un Ondam déficitaire, les directions des hôpitaux risquent « d’utiliser cet argent pour combler leur déficit ». Par ailleurs, la reprise de la dette nécessite un projet de loi qui ne pourra être voté qu’au cours de l’été et ne s’appliquera donc qu’en fin d’année 2020, estime le CIH, qui a proposé que « ce montant soit débloqué de façon anticipée grâce à un correctif budgétaire immédiat afin d’augmenter les salaires des soignants ». Une possibilité évacuée par la ministre « n’a donné aucune précision et garantie sur l’utilisation de cette somme ni même clairement sur son montant ».
 
Enfin, à propos du mode de financement des hôpitaux, Agnès Buzyn a confirmé la volonté du gouvernement de passer à moins de 50% de T2A (tarification à l'activité). Elle a notamment évoqué des groupes de travail incluant des CME et sociétés savantes qui devraient se mettre en place pour discuter d’alternatives à ce système, rapporte le CIH qui regrette que les détails de ces changements probables n’aient pas été précisés.

Rendez-vous le 14 février  

Autre motif de satisfaction, sur la question de la gouvernance cette fois-ci : la ministre n’aurait pas écarté la possibilité de modifier la loi HPST, tout en affirmant « sa volonté de redonner de l’importance aux services », sans en préciser les modalités.
 
Que faut-il donc retenir de cette rencontre ? La ministre a convenu que l’hôpital public avait été sacrifié au cours des 10 dernières années par une politique d’austérité mais « n’a visiblement pas compris l’urgence de la situation à savoir le risque d’effondrement imminent du système hospitalier public. Elle continue à penser que les mesures qu’elle a annoncées en novembre seront suffisantes », regrette le CIH qui ne partage « pas du tout l’optimisme de la ministre » et reste très inquiet sur l’avenir proche de l’hôpital public.
 
C’est pourquoi le collectif appelle tous les personnels des hôpitaux publics et les usagers à poursuivre le mouvement pour « un plan d’urgence digne de ce nom ». Tout en donnant rendez-vous pour une journée «Hôpital mort» (seuls les soins urgents seront prodigués) le vendredi 14 février prochain.
 

Une cagnotte pour le CIH
Le CIH a besoin d'un soutien financier pour les différentes actions qu’il organise (impressions de banderoles pour les manifestations, impression de tracts,...) et pour pouvoir réunir un maximum pour une journée de coordination. « Nous souhaitons pouvoir financer, en priorité, le transport jusqu'à Paris des personnels non médicaux et des jeunes médecins », précise le collectif qui a lancé un appel aux dons.

 

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