Achats verts : l’hôpital est-il un « consom’acteur » comme les autres ?

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À l’hôpital, la majorité des émissions de gaz à effet de serre sont indirectes : elles ont déjà eu lieu avant même que l’acte de soin ne commence. Pour améliorer leur bilan carbone, les établissements doivent donc impérativement soigner leur politique d’achat.

Achats verts : l’hôpital est-il un « consom’acteur » comme les autres ?

© DR. 

L’idée selon laquelle la lutte contre le réchauffement climatique passe par le consommateur, parfois rebaptisé « consom’acteur » car chargé d’orienter de façon volontariste ses achats vers des produits plus verts, est souvent critiquée. Cette vision très individualiste occulte en effet le versant politique des transformations nécessaires. Mais à l’hôpital, les choses sont peut-être différentes. Rappelons que selon le dernier rapport du Shift Project sur les émissions de carbone du secteur de la santé*, 65 % de celles-ci sont dues à la fonction « achats ». Traduction : vous aurez beau veiller à éteindre la lumière en sortant du box de consult’, vous n’aurez fait qu’un tiers du chemin. Déprimant ? Pas forcément, car la bonne nouvelle, c’est que les directions hospitalières se sont (enfin) saisies du sujet.

« Nous avons conscience d’être un acteur qui a une forte empreinte carbone », avoue par exemple Florence Marques, directrice des Achats et des Approvisionnements au CHU de Montpellier. Voilà qui explique pourquoi, selon elle, parmi les huit défis listés dans son projet d’établissement, l’hôpital occitan a inscrit en première place le fait de « se transformer vers l’hôpital bas carbone ». Pour réaliser ses ambitions, l’établissement s’est notamment doté en 2024 d’un Schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables (SPASER). Derrière cet acronyme au nom d’arme intergalactique se cache en réalité « une feuille de route qui définit des actions concrètes, des indicateurs » permettant de transformer la politique d’achat de l’établissement, précise Chloé Bourgue, responsable juridique au sein de la direction des Achats montpelliéraine.

Parmi les « actions concrètes » en question, le CHU de Montpellier tente par exemple de privilégier le conditionnement unitaire des médicaments, ou encore le marché de l’occasion pour l’achat de certains matériels, précise-t-elle. « Nous tentons par ailleurs d’imposer des critères environnementaux sur tous les marchés que nous passons », indique également l’Héraultaise, qui ajoute que le poids de ce critère dans l’évaluation des offres est de plus en plus important.

L’appel (d’offres) de la forêt

Reste à savoir ce que peuvent représenter concrètement les clauses en question. Pour le savoir, le mieux est peut-être de se tourner vers l’Union des hôpitaux pour les achats (UniHA), la coopérative qui mutualise une bonne partie des achats hospitaliers français, et qui s’investit elle aussi sur le sujet : elle a par exemple présenté en mars 2024 un livret à destination de ses adhérents pour les aider à verdir leurs achats**, et a adopté en novembre son propre SPASER. « Sur les tubes et les piquants, par exemple, nous avons été jusqu’à calculer le score carbone des produits, explique ainsi Walid Ben Brahim, directeur général de la centrale. Et nous avons été le premier opérateur d’achat à faire de l’analyse de cycle de vie complète d’un médicament, du berceau à la tombe, une clause d’exécution du marché. »

Une approche qui, bien sûr, a ses limites, car pour fonctionner tout hôpital a besoin d’une infinité de références, et l’information concernant le bilan carbone de chacune d’entre elles est au mieux incomplète, et au pire inexistante. « Il n’y a pas beaucoup de produits pour lesquels on a une analyse en cycle de vie, mais on en aura davantage demain, il faut que nous ayons une méthodologie dictée par l’État, ce sont des travaux qui sont en cours », explique le directeur général d’UniHA.

https://www.calameo.com/whatsupdoc-lemag/read/00584615447976f93c3b9

En attendant, quand les informations sont manquantes, on estime les émissions avec les moyens du bord. « Quand on ne peut pas appliquer une méthodologie formalisée, on applique un facteur d’émission au montant acheté, ce qui n’est pas des plus précis », reconnaît Morgane Morat, responsable du projet Transition écologique et Développement durable au CHU de Montpellier. Autre obstacle : acheter moins carboné c’est parfois acheter plus cher. Mais au CHU de Montpellier comme à UniHA, on constate qu’il ne s’agit pas là d’une vérité universelle, les contre-exemples étant nombreux. Et au lieu de voir le verre à moitié vide, on préfère se retourner et mesurer le chemin parcouru depuis le temps où seuls comptaient, dans les appels d’offres, la règle du moins-disant !

* Shift Project, Décarboner la santé pour soigner durablement. 2e version, avril 2023
** UniHA, Un « Uni-vert » de solutions, mars 2024

Puissance de calcul(ette)

Est-il préférable, en termes d’environnement, d’utiliser un fibroscope à usage unique ou un fibroscope réutilisable ? C’est le genre de question auquel permet de répondre Carebone, un outil développé au sein de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui vise à calculer l’empreinte carbone de parcours de soins dans leur intégralité. « C’est une calculatrice extrêmement performante, basée sur Excel, on n’en connaît pas d’équivalent », assure Dr Sonia Delaporte-Cerceau, anesthésiste-réanimatrice et présidente de la commission « Développement durable » de la CME de l’AP-HP, qui a participé à son élaboration. L’outil se veut cumulatif : une fois que l’empreinte d’un dispositif médical, d’un médicament ou d’un acte est calculée, elle peut être utilisée pour des calculs plus complexes. L’objectif ? Peser sur les décisions d’achat. « Il ne faut pas se leurrer, ce qui emporte les décisions c’est plutôt l’aspect économique, mais cela nous donne des arguments supplémentaires », commente Sonia Delaporte-Cerceau. (Au fait, pour le fibroscope, la réponse de Carebone est : ça dépend du volume d’activité !)

Le chiffre : 50 %

C’est le pourcentage minimum de véhicules à faibles ou très faibles émissions (électriques…) qu’en vertu de la loi de transition écologique pour la croissance verte, les hôpitaux doivent désormais acheter lorsqu’ils renouvellent leur flotte.

Source:

* Shift Project, Décarboner la santé pour soigner durablement. 2e version, avril 2023
** UniHA, Un « Uni-vert » de solutions, mars 2024
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