« Si les ECOS disparaissent, je quitte mon poste : on ne fait pas de bons médecins avec des QCM » : Damien Roux, président du Conseil scientifique du CNCI

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La mission parlementaire chargée d’évaluer les effets de la réforme du 3e cycle parle des Ecos comme d’un « progrès pour la qualité et la sécurité des soins. » Pourtant, plusieurs étudiants ont témoigné de leur ressenti négatif vis-à-vis de cette épreuve orale. Pr Damien Roux, président du Conseil scientifique en Médecine du CNCI, fait un point : pourquoi ces Ecos sont-ils essentiels ? Et que faudrait-il améliorer ?

« Si les ECOS disparaissent, je quitte mon poste : on ne fait pas de bons médecins avec des QCM » : Damien Roux, président du Conseil scientifique du CNCI

© Midjourney X What's up Doc

À l’origine professeur de médecine intensive et de réanimation à l’Université Paris Cité, il explique avoir été « l’un des rares jeunes universitaires intéressés par la pédagogie. »

De ce fait, Damien Roux a été nommé responsable du DIU de pédagogie.

Lorsque le conseil scientifique de médecine du CNCI (Centre National du Concours de l’internat) a été renouvelé, il l’a intégré en tant que vice-président. Puis il en est devenu le président en juillet 2023.

C’est au début de sa présidence que plusieurs réflexions ont émergé concernant une réforme du deuxième cycle. Avec le ministère, les syndicats étudiants, une feuille de route a été établie. L’objectif : recentrer les études de médecine sur la professionnalisation plutôt que sur le seul par cœur.

Pas de par cœur ? Vraiment ?

Début juillet, peu après les résultats des Ecos, une étudiante nous confiait : « Je n’ai pas très bien vécu l’oral. Sur le principe, j’étais pour ce format d’examen. C’était une bonne idée d’évaluer le relationnel et la prise en charge à l’oral plutôt que via un QCM. Mais ça a dérivé vers du par cœur. » 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/ecos-2025-un-succes-logistique-mais-un-modele-deja-reinventer-selon-les-doyens

Pour Damien Roux, ce n’est qu’une impression. « Elle a reproduit son cours tel qu’elle l’avait assimilé, mais dans un contexte professionnel. Or, la compétence évaluée, c’est la capacité à mobiliser des connaissances dans une situation clinique », précise-t-il. Donc pour lui, en « recitant par cœur » au bon moment dans sa consultation, cette édudiante a mis à profit « une bonne organisation mentale ».

Des ECOS sans classement

Au moment de la publication des classements, nous avons réalisé un article sur des futurs internes qui avaient perdu jusqu’à 2 000 places entre les EDN et les Ecos. Louis* affirmait « accepter de rater un examen, mais que passer d’un bon classement (1 600) aux EDN à 7500e aux Ecos, pose question. »

Pour les trois étudiants ayant témoigné, l’important était d’obtenir les grilles de notation afin de comprendre cette chute. Mais, ils ont tout de même formulé plusieurs critiques à l’épreuve. La remarque principale étant que l’oral aurait plus de sens à être noté sous forme de validation (apte/pas apte), plutôt que par un classement. « Il y a forcément une part de subjectivité. Ça nuit à l’égalité des chances », selon l’une d’entre eux.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/ecos-2026-trop-detudiants-les-doyens-alertent-sur-une-epreuve-haut-risque

Pour Damien Roux, un classement est important. En revanche, « le problème central, c’est le désir (très français) d’un classement national. Aucun autre pays comparable ne le fait : ni les Belges, ni les Suisses, ni les Anglais, ni les Canadiens, ni les Allemands. »

Idéalement, le président du Conseil souhaiterait que les étudiants postulent dans un DES local : lettres de recommandation, dossier, entretien. « L’implication en stage devrait compter beaucoup plus aussi. » 

Une épreuve indispensable

Damien Roux nuance. Ne plus classer au niveau national, c’est une utopie. Il serait « compliqué pour les facs d’invalider leurs étudiants. C’est humain : un étudiant a un nom, une histoire, c’est difficile. Le système national permet de rester objectif. »

Mais, dans tous les cas, les Ecos restent « indispensables. » S’ils venaient à disparaitre, Damien Roux affirme qu’il quitterait son poste parce que pour devenir un bon médecin il ne suffit pas d’avoir un score élevé aux QCM. « Dans ce cas, Je préfère retourner former les étudiants auprès des malades. J’y serais plus utile. »

Car loin de vouloir les voir disparaitre, le président du Conseil scientifique souhaiterait même augmenter la part des Ecos dans la note finale et donc dans le classement, tout en reconnaissant que plus d’Ecos demanderait aussi plus de logistique… 

4 commentaire(s)
Christian C Néphrologie 11 décembre 2025 19:23

Les ECOS sont utiles dans le cursus de deuxième cycle, j'en suis bien convaincu, même si le temps imparti est plutôt court dans certaines situations.

Mais ils n'ont pas été développés pour classer les étudiants, le côté subjectif est inévitable : qui peut penser qu'un jury note de la même manière les étudiants du matin, et ceux de la fin de la journée harassante dudit jury ?

Externe fatigué R null 11 décembre 2025 20:05

Et bien qu'il quitte son poste

C'est un désastre cette réforme. Augmenter la part des ecos c'est augmenter la part de variabilité dans les notes. Les ecos ressemble plus à qui aura la chance de poser la question attendue, toute question aussi pertinente soit elle qui n'est pas dans la grille ne faisant que perdre du temps. 

Aller demander aux médecins de faire leur consult en 8 min on va rire. Les entraînements ressemble plus à des concours de rap où l'on récite bêtement le plus rapidement possible une longue liste de mots clés et moins au dialogue patient-medecin présenté ici. Par exemple la liste des principaux antécédents que le patient standardisé ne donnera pas spontanément puisque cela pourrait être une case. 

On pourrait aussi parler des points (1/3 il me semble) qui repose sur l'avis des évaluateurs sur notre prestation qui est intrinsèquement subjectif. Donc injuste, moi qui croyait que les qcm avait été mis place précisément pour éviter ça.

Le plus désagréable c'est que souvent entre ce qu'on nous présente comme attendu de notre part à l'entrée de l'épreuve et ce qui se retrouve sur la grille cela n'a rien à voir...

Bref, en tant qu'étudiant à mes yeux les ecos représente la plus grand acte de maltraitance comis à notre egard. 

Patrick M Neurochirurgie 12 décembre 2025 16:59

La formation conduisant à des ECOS est très utile en complément des autres formes d'enseignements et déjà présente dans de nombreux autres pays.
Cependant, comme signalé,  les créateurs canadiens des ECOS ne les ont jamais conçu comme devant servir à une notation comparative en vue d'une examen ou d'un concours...Nous sommes les seuls en France à avoir dérivé vers une utilisation dans un examen national où les places se jouent au centième de point...

Il serait utile que les responsables se posent les bonnes questions en fonction de bons objectifs et soient capables d'autocritiques et de corriger le système actuel qui n'est ni satisfaisant pour l'objectif de classement des étudiants, ni pour les étudiants, ni pour les correcteurs

Jean M Rhumatologie 19 décembre 2025 13:29

Dans mes souvenirs, les QCM ont été surtout introduits pour faire des économies, mais je peux me tromper. Toutefois, ils ont une grande qualité : alors que lorsque l’on corrigeait 2 fois à une heure d’intervalle la même copie d’un cas clinique rédactionnel, on n’arrivait pas à la même note, les QCM permettent d’avoir une correction standardisée, donc juste. Or, l’objectivité de la correction est la plus grande qualité des concours qui vont déterminer la future vie professionnelle des étudiants.

 

Je suis personnellement très favorable aux ECOS. D’abord parce qu’ils viennent gommer le principal inconvénient des QCM. Ceux-ci inversent le raisonnement clinique. Tout est apporté aux étudiants, qui doivent choisir parmi des propositions. Or, dans la vraie vie, il n’y a pas de QCM qui permette à l’interne de penser à prévenir les complications de décubitus. Et puis, en théorie pour l’instant (les épreuves nationales des 2 premières années ont été un peu décevantes sur ce plan, mais laissons aux rédacteurs le temps d’acquérir, eux aussi, leurs compétences), ils permettent d’évaluer le raisonnement des étudiants, leur esprit de synthèse, leur prise de hauteur par rapport à l’observation (comme le faisaient les cas cliniques rédactionnels). Enfin, très égoïstement, c’est une méthode très agréable d’enseignement (j’en fais plusieurs heures par semaine avec les étudiants de mon service, en plus des ECOS officielles facultaires). 

 

Toutefois, les ECOS n’ont rien à faire dans un concours qui va déterminer les dizaines d’années de carrière professionnelle de nos jeunes. La notation est subjective (notamment dans les pseudo grilles objectives des points que j’appelle de « note de gueule »). On ne note effectivement pas de la même façon toute la journée (en début de matinée, on s’accroche à la grille, puis on devient plus coulant, puis en fin de journée on risque des sautes de concentration). D’autre part, je fais passer des oraux depuis 25 ans, et je sais très bien que 2 des facteurs très importants qui vont déterminer la note sont l’angoisse des étudiants (bien plus importante qu’à l’écrit) et la composition du jury, facteurs qui n’ont rien à faire dans un concours (ne pas venir me dire que pour être un bon médecin, il faut savoir résister au stress, car 1- ça dépend des spécialités, 2- ce n’est pas le même stress. Des étudiants très stressés par les examens peuvent ensuite une fois interne parfaitement résister au stress de l’urgence, et inversement).

 

Malheureusement, on a l’impression que depuis plusieurs années, le CNCI a complètement perdu de vue que l’objectif principal de ce concours n’est pas la pédagogie, mais de classer les étudiants. Cependant, les étudiants, eux, ne l’ont pas perdu de vue. Résultats, là où, naïvement, on voulait avec la R2C « remettre les étudiants de sixième année à l’hôpital » (propos recueilli auprès de l’étudiant « chargé de mission de la ministre » de l’époque), on a fait fuir les étudiants de cinquième, voire de quatrième année (c’est le seul moyen qu’ils ont pour pouvoir préparer les EDN s’ils visent un bon classement), et on n’a pas fait revenir ceux de sixième année. Pourquoi ? Parce que les étudiants, qui sont très pragmatiques, ont bien compris que le meilleur moyen de préparer leurs ECOS n'est pas d'aller à l'hôpital mais de de continuer à bien réviser leurs cours de collèges, et de multiplier les séances d’entrainement.

 

Enfin, et ce n’est pas le moindre problème, la R2C a transformé le second cycle en enfer. Les étudiants ont 22 mois pour ingurgiter un énorme programme, sont obligés de « bachoter », ce qui provoque un oubli rapide de ce qu’ils ont ingurgité, ont très peu de temps pour revenir dessus car ensuite, d’autres cours doivent être ingurgités. A la suite de ce « gavage », ils n’ont que 3 mois pour réviser. Ils sortent des EDN complètement essorés… et doivent se remettre en « mode concours » 7 mois de plus pour préparer les ECOS. Alors, s’il vous plaît, pensez à la santé mentale de nos jeunes. Vous suggérez dans votre interview que votre lourde tâche au CNCI vous empêche de voir vos étudiants. Effectivement, on imagine que ce travail doit être très prenant, et la communauté HU ne pourra jamais suffisamment vous remercier pour ce que vous faites pour la collectivité. Toutefois, si malgré tout vous arriviez à vous dégager un peu de temps pour discuter avec nos jeunes, et écouter leur ressenti, cela pourrait être utile. 

 

En conclusion, je pense que nos étudiants doivent continuer à passer l’EDN en étant notés et classés de façon objective, puis pourraient profiter de la sixième année pour faire des ECOS, aller en stage, apprendre à se servir de leurs connaissances, pour transformer ces connaissances en compétences et passer sereinement des examens ECOS facultaires n’intervenant pas dans le classement. Ce serait d’autant plus efficace qu’ils le feraient sans pression, ce qui éviterait que les ECOS soient un échec, comme la LCA (les étudiants la vivent comme une corvée, et se dépêchent de tout oublier dès le concours passé. A l’arrivée, nos internes ne sont pas plus capables que leurs aînés de critiquer des articles scientifiques).

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