Racismes, viols, LGBTphobies... l'hôpital au cœur des discriminations

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Alors que l'hôpital public se bat pour tenter d’attirer des médecins, elles, elles en sont parties. A cause du racisme, des violences sexuelles ou encore aux LGBTphobies, elles ont été contraintes de le quitter. Une étudiante en médecine et en sciences sociales, Myriam Dergham, ainsi qu'une sociologue en santé, Laurie-Anne Galiby, ont décidé de documenter ces violences. 

Racismes, viols, LGBTphobies... l'hôpital au cœur des discriminations

“Je n’étais pas bien. J’avais pris trop de médicaments, raconte Shima*. Pas loin de chez moi, habitait un autre étudiant en médecine. Je l’ai appelé et il m’a dit de venir chez lui. Tout ce dont je me souviens c’est que je me suis retrouvée nue dans son lit le lendemain. Il m’a violée.”
D’un débit rapide, haché par les pleurs, elle raconte les jours qui ont suivi, ce message qu’il lui envoie : “je me suis demandé si tu étais consentante” et la culture du viol omniprésente lors des études d’internat. Comme elle, beaucoup d’ex-internes racontent des faits de violences sexuelles lors des études. Une main aux fesses, une poitrine que l’on dénude ou encore un rapport consenti qui se termine avec trois hommes en plus, sans consentement. Ces agressions sont si courantes qu’en 2017, l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn racontait avoir, elle-même, été victime de ce qu’elle qualifiait alors de “comportements très déplacés”. 
Cette violence à l’encontre des étudiants en médecine, Myriam Dergham a voulu en faire son objet d’étude (1). Étudiante en médecine, Myriam Dergham prépare aussi un  Master 2 en sciences sociales et dans ce cadre, travaille sur une thèse en sciences sociales sur les risques psychosociaux des étudiants en médecine de la deuxième à la sixième année. 

À travers la France, elle est partie à la rencontre des victimes de viols, de racisme et de LGBTphobies dans le milieu médical. “Ce n’est pas propre à la médecine. Tous les milieux corporatistes créent un esprit de corps, fondé sur les dominants et donc les discriminations. Tous ceux qui ne sont pas d’accord finissent par se retrouver dehors”.
Même analyse du côté de Laurie-Anne Galiby. Cette ancienne interne, devenue aujourd’hui sociologue de la santé, décrit des études de médecine ultra-violentes. “On nous apprend dès le début que pour réussir il va falloir écraser les autres. Et par ricochet, un bon interne c’est celui qui accepte la culture dominante tout en allant vite dans la prise en charge des patients.”
 

Le syndrome méditerranéen 

 
Héloïse*, a, elle aussi, quitté la médecine hospitalière. “Moi je suis femme et noire, raconte-t-elle, et je n’arrivais plus à savoir si on m’attaquait par j’étais une femme ou parce que j’étais noire.” Elle se souvient de ces accents que l’on imite pour se moquer des patients racisés, des propos discriminants à son encontre ou encore de la patientèle que l’on lui adresse. “Les internes racisés vont être mis sur les cas les plus difficiles ou les patients dont personne ne veut. Combien de fois ai-je entendu ‘je n’ai pas fait médecine pour soigner des Kosovars, faut qu’on les renvoie chez eux ceux-là !” Elle se rappelle de ce patient qui avait une fatigue très forte et que personne n’a écouté pendant quatre ans. “On lui a diagnostiqué un syndrome méditerranéen. J’étais atterrée.” L'homme, issu de l’Europe de l’est, été touché d’une apnée du sommeil très grave. “Il risquait la crise cardiaque à tout moment. Il aurait pu mourir. Mais c’était le syndrome méditerranéen le problème !” Antoine*, lui aussi se souvient de ce racisme pendant ces études. Habitant en banlieue, ce fils d’immigré algérien décrit une période traumatisante. “Avant l’internat, je m’enfermais le plus possible dans mes cours pour échapper à cela. Mais dans l’internat ce n’était pas possible.” Il se souvient de ce patient qui faisait une septicémie mais que les médecins n’écoutaient pas “parce que c’est un arabe”. “Chaque matin, je me demandais comment j’allais faire pour tenir un jour de plus en médecine. Entre les propos racistes et LGBTphobes, je n’en pouvais plus.” Aujourd’hui, Antoine* refuse de mettre un pied à l'hôpital public. “Plus jamais de ma vie je n’y travaillerai.”
 
1- Médecine, "de la médecine factuelle à nos pratiques". Numéro thématique, accès aux soins et lutte contre les discriminations. Septembre 2020, volume 16

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