Pénurie de médecins spécialistes, l’Académie de médecine a des solutions : former, fidéliser, territorialiser

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Face à une pénurie de médecins spécialistes vécue comme une souffrance quotidienne par les patients, l’Académie nationale de médecine tire la sonnette d’alarme. Dans un rapport dense et volontariste, elle dresse le constat sans fard d’un système déséquilibré, mais surtout avance une série de recommandations structurantes — dont certaines, à contre-courant des habitudes, pourraient rebattre les cartes de la formation et de l’organisation des soins.

Pénurie de médecins spécialistes, l’Académie de médecine a des solutions : former, fidéliser, territorialiser

© Midjourney x What's up Doc

L’alerte lancée par l’Académie repose sur une analyse multifactorielle. Si le numerus clausus a été assoupli ces dernières années avant de complètement disparaître en 2025, il reste un décalage flagrant entre les besoins croissants d’une population vieillissante et le nombre de spécialistes formés. Mais au-delà de la quantité, c’est la distribution des médecins et l’architecture du système qui posent problème.

Quatre causes sont ainsi pointées :

  1. Un nombre encore insuffisant de spécialistes, malgré l’augmentation des effectifs globaux ;
  2. Une organisation fondée sur l’offre disponible, non sur les besoins réels des populations ;
  3. Une mauvaise adaptation de la répartition territoriale aux réalités locales ;
  4. Un manque d’attractivité, particulièrement dans l’exercice libéral, qui aggrave les déserts médicaux.

Une territorialisation à tous les étages

Face à ce constat, l’Académie recommande de passer d’une gestion centralisée et abstraite à une approche territoriale fondée sur les besoins des populations. Ce changement de paradigme irrigue l’ensemble de ses propositions.

Former plus et mieux… là où il le faut. La première recommandation est de planifier les besoins en formation avec des outils objectifs et des zonages adaptés à chaque spécialité. L’Académie propose même une universitarisation des territoires : création d’antennes universitaires décentralisées, CHU « hors les murs », internat régionalisé et assistanat territorial. Objectif : fidéliser les internes là où les besoins sont les plus criants.

Un changement de cap dans l'organisation des soins

L’organisation des soins elle-même doit se transformer pour accompagner cette dynamique. Parmi les leviers avancés :

  • Assouplissement des conditions d’accès aux spécialistes,
  • Développement des exercices mixtes ville-hôpital,
  • Facilitation des mobilités professionnelles,
  • Décloisonnement du système de santé,
  • Et prise en compte des outils numériques dans l’organisation des parcours.

L’Académie plaide aussi pour revaloriser les statuts et les rémunérations des spécialistes, et redonner une attractivité concrète à l’exercice libéral, souvent délaissé au profit du salariat hospitalier.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/demographie-medicale-tous-les-chiffres-par-specialite-par-exercice

Les collectivités locales au cœur du jeu

Peut-être la proposition la plus détonante : donner un rôle actif aux collectivités locales dans l’organisation des soins. Un véritable virage, dans un pays où la politique de santé reste historiquement très centralisée.

Cette alliance entre l’État et les collectivités permettrait de penser l’organisation non plus par type d’offre ou de spécialité, mais à partir des réalités locales, des bassins de vie, et des besoins spécifiques des populations.

Ce rapport appelle à un « changement de logique » profond. La pénurie est structurelle, les solutions doivent l’être aussi. Et si les effets des mesures proposées doivent être évalués dans le temps, l’Académie de médecine insiste : souplesse et réactivité doivent guider leur mise en œuvre.

1 commentaire(s)
Hervé N Médecine du sport 2 juillet 2025 19:44

L’assouplissement de l’accès aux spécialistes est complètement à l’opposé d’une organisation logique de la prise en charge. Les spécialistes ne sont pas des médecins traitants, mais des consultants pour les médecins traitants.

L’accès direct, qui est déjà quasiment une réalité dans certaines spécialités, amène des spécialistes à saturer leur carnet de rendez-vous avec des patients qui seraient tout aussi bien traités par le médecin traitant, après une consultation spécialiste initiale de diagnostic et d’évaluation des besoins thérapeutiques.

La difficulté d’accès fait justement en sorte que les médecins généralistes mettent en place des thérapeutiques qui ne sont pas forcément adaptées, mais la solution ce n’est pas de multiplier le nombre de spécialistes mais de réserver leurs accès à des patients qui ont réellement besoin. De consultation de suivi en consultation de suivi les cardiologues en viennent à suivre des HTA banales et les pneumologues des asthmatiques qui vont bien et il n’y a plus de place pour les bilans initiaux.

 

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