Navire cherche radiotélégraphiste

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Longtemps, les syndicats ont été les principaux porte-parole des médecins ; et c’est par leur voix que le malaise de la profession était porté à la connaissance du grand public. Ce n’est plus le cas, loin s’en faut.

Navire cherche radiotélégraphiste

Dans la marine marchande, en principe, les choses sont simples. Ou du moins, elles l’ont longtemps été : toute communication avec le monde extérieur devait passer par le radiotélégraphiste. Sur le navire de la médecine française, ce rôle a pendant plusieurs décennies été confié aux syndicats. Mais force est de constater que les SOS qu’ils envoient sur toutes les ondes pour alerter quant au malaise de la profession sont de moins en moins audibles. Pourtant, la voix syndicale ne s’est pas éteinte. Elle est tout simplement couverte par celle d’autres organisations. Le sujet du burn-out est à ce titre assez révélateur. En effet, ce ne sont pas des syndicats, mais des associations et des conseils ordinaux départementaux qui sont à l’origine de la création d’initiatives telles que « Médecin Organisation Travail Santé » (Mots) ou l’Association d’aide professionnelle aux médecins libéraux (AAPML), qui gèrent notamment des numéros d’appel pour praticiens en détresse. On a même vu l’an dernier une société savante, le Collège français d’anesthésie-réanimation (Cfar), monter de toutes pièces l’opération « Dis, doc, t’as ton doc », afin d’encourager les praticiens à se faire suivre par un confrère pour éviter les risques psychosociaux.

 

Lutte pour la parole

 

Sur le plan institutionnel, le discours syndical lui-même est bien souvent dépassé par le discours ordinal, surtout depuis que le Dr Patrick Bouet a pris la tête du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom). Celui-ci revendique un véritable rôle de porte-voix de la profession. Son récent livre (Santé : explosion programmée, paru en mai aux éditions de l’Observatoire) illustre très bien ce propos, mais ce positionnement passe difficilement auprès de certains représentants syndicaux. Le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), le Dr Jean-Paul Ortiz, estimait d’ailleurs dès 2016 que Patrick Bouet entraînait l’Ordre « au-delà de ce qui devrait être son champ de missions. » Mais au-delà de la guéguerre entre institutions, le mal-être des médecins s’exprime surtout aujourd’hui via les canaux numériques. Quand en octobre 2016 le généraliste-écrivain Baptiste

Beaulieu a réalisé sur Facebook une vidéo expliquant pourquoi il avait systématiquement une heure de retard en consultation, il a fait en 5 minutes et plusieurs centaines de milliers de vues beaucoup plus de pédagogie sur ce que vivent les médecins au quotidien que tous les discours syndicaux en plusieurs années. Et pour se faire une idée du malaise des médecins aujourd’hui, plutôt que de lire les communiqués syndicaux, il vaut mieux aller faire un tour sur Twitter afin de suivre quelques comptes emblématiques (@LehmannDrC ou @Sabrinalinterne, pour ne citer que deux exemples sélectionnés arbitrairement). Reste à savoir si cette multiplicité de radiotélégraphistes permettra de faire changer un jour le cap du navire-médecine.

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