Les assistants médicaux vont partir à la recherche du temps (médical) perdu

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Parmi les mesures-phares du plan « Ma Santé 2022 » présenté à l'automne dernier par le Président de la République, on compte la création de 4 000 postes d'assistants médicaux. Subventionnés par l'Assurance maladie, ces nouveaux professionnels sont censés épauler les médecins débordés. Mais seront-ils en mesure de rendre aux libéraux le fameux temps médical après lequel ils courent tant ? Rien n'est moins sûr.

Les assistants médicaux vont partir à la recherche du temps (médical) perdu

7 heures. C'est le temps que les médecins généralistes consacreraient en moyenne chaque semaine aux tâches administratives, d'après une enquête de la Mutuelle du médecin publiée en novembre dernier[ad1]. Une durée que tout le monde juge excessive, à tel point que l'emploi du temps des médecins est devenu un enjeu majeur des politiques de santé. Se lançant un défi proustien, le Gouvernement a donc décidé de partir à la recherche du temps médical perdu. En guise de Swann, d'Odette ou d'Albertine, 4 000 assistants médicaux subventionnés par l'Assurance maladie sont censés irriguer les cabinets libéraux d'ici 2022.
Quelles seront les missions dévolues à ce nouveau métier ? Le plan « Ma Santé 2022 », présenté par Emmanuel Macron en septembre dernier, énumère quelques-unes de leurs tâches futures. On n'y trouve pas la confection de madeleines, mais l'accueil des patients, le recueil de certaines constantes ou informations relatives à l’état de santé, la vérification de l’état vaccinal et des dépistages, la mise à jour des dossiers, la gestion de l’aval de la consultation… Bref, les assistants médicaux seront plutôt à l’image de Charlus, ce personnage de À La Recherche qui mène une double vie : ils seront à moitié aides-soignantes, à moitié secrétaires médicales.
C'est d'ailleurs ainsi que les conçoit le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération nationale des syndicats médicaux français (CSMF). « Les assistants médicaux pourront soit avoir une formation de secrétariat médical et dans ce cas nous allons les former à un certain nombre d’éléments utiles dans la phase de préparation à la consultation médicale, soit une formation d'aide-soignant, et dans ce cas ils[ds3] devront acquérir un minimum de compétences en matière de secrétariat », indique le néphrologue catalan.

Recherche du temps perdu ou quête infinie ?

Reste à savoir si à l'ombre de ce jeune métier en fleur, le temps médical pourra repousser dans les cabinets médicaux de Combray, de Balbec et d'ailleurs. Les effectifs envisagés permettent d'en douter. Le dernier Atlas de la démographie médicale du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) ayant recensé 83 899 médecins libéraux en activité régulière en 2018, les 4 000 assistants médicaux ne seront en effet qu'1 pour 20 praticiens.
Et bien sûr, les 4 000 assistants médicaux ne seront atteints qu'en 2022. En attendant, les effectifs seront bien moindres. Jean-Paul Ortiz compte au maximum sur 1 000 assistants médicaux fin 2019, soit moins d’1 pour 80 médecins. « Je suis persuadé qu’il y en aura à terme beaucoup plus que 4 000 », assure le syndicaliste. Mais en attendant, il faudra donner du temps au temps perdu.

L’argent, c’est du temps

Et le problème, c’est que ce temps sera compté. Du moins celui des aides que l’Assurance maladie apportera à l’embauche d’assistants médicaux. Leur montant et leurs modalités sont à fixer lors de négociations conventionnelles en cours au moment où nous mettons sous presse, mais une chose semble certaine : du côté de chez Nicolas Revel[ds4], on n’entend pas subventionner les assistants médicaux ad vitam aeternam. Il faudra donc que ceux-ci réussissent à faire gagner assez de temps aux médecins pour que le surcroît d’activité qu’ils génèrent permette de les payer sans subvention…
Dernier point, et il n’est pas des moindres : le plan « Ma Santé 2022 » précise noir sur blanc que l’aide au recrutement d’assistants médicaux sera réservée aux médecins en exercice coordonné. Les autres, qui restent majoritaires, ne bénéficieront donc pas de la manne publique. Comme de nombreux lecteurs de Proust, ceux-ci risquent donc de ne jamais arriver au 8e et dernier tome de À La Recherche, celui qui s’intitule… Le Temps retrouvé.
 

Coup de gueule : les infirmiers vent debout contre les assistants médicaux

Bien des infirmiers voient dans la création des assistants médicaux une provocation de la part des pouvoirs publics. Ils craignent que ce nouveau métier ne vienne empiéter sur leurs prérogatives. Le point avec Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI, principal syndicat d’infirmiers libéraux).
What’s up Doc. Comment voyez-vous les négociations en cours entre les médecins et l’Assurance maladie à propos des assistants médicaux ?

Daniel Guillerm. Pour nous, il s’agit clairement d’un cadeau supplémentaire fait à nos collègues médecins. Toutes les pistes n’ont pourtant d’après nous pas été explorées pour répondre aux problèmes d’accès aux soins. Je rappelle par exemple que les infirmiers libéraux ont depuis 2008 un conventionnement sélectif, mécanisme que les médecins ont toujours refusé.

WUD. Les assistants médicaux sont davantage un outil permettant de gagner du temps médical que de lutter contre les déserts. N’ont-ils pas au moins une vertu de ce côté-là ?
DG. Peut-être, mais je remarque que c’est la collectivité qui va payer ces pseudo-secrétaires médicales[ds5]. Face à cela, nous avons aujourd’hui des cabinets infirmiers qui se sont structurés et qui paient leur secrétaire sans avoir jamais réclamé quoi que ce soit à quiconque.

WUD. Ces secrétaires employées[ds6] par les infirmiers leur font toutefois gagner du temps…
DG. Oui, mais les assistants des médecins pourront faire des actes médicaux simples. C’est la porte ouverte à des glissements de tâches : pourquoi ne pas imaginer ces assistants faire un jour des injections, des pansements ? Pour nous, ce n’est qu’un début. Et tout cela alors qu’on pourrait gagner du temps médical utile en transférant des missions aux infirmiers libéraux, qui maillent le territoire et qui ont les compétences nécessaires pour décharger les médecins, notamment en ce qui concerne les maladies chroniques.
 

 

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