Le monde à l’envers : l’innovation en e-santé viendra-t-elle du Sud ?

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Les bonnes idées ne naissent pas toutes en Californie

Le monde à l’envers : l’innovation en e-santé viendra-t-elle du Sud ?

Et si pour une fois, le sens de l’innovation s’inversait ? S’il fallait, pour chercher ce qui se passe de nouveau dans le petit monde des geeks médicaux, regarder du côté des pays du Sud ? Loin d’être une idée saugrenue, cette thèse a été défendue la semaine dernière par certains des intervenants de l’université d’été de la e-santé de Castres.

Le Pr. Ousmane Faye, chef du service de dermatologie au Centre National d’Appui à la lutte contre la Maladie (CNAM) de Bamako, a en effet pu expliquer lors d’une table-ronde comment il vit dans sa pratique quotidienne des innovations qui seraient difficilement acceptables dans les pays du Nord : il offre des services médicaux sur base de photos circulant sur des smartphones.

Etant donnée l’absence complète de dermatologues en dehors de la capitale malienne, il reçoit en effet régulièrement des images que ses patients prennent avec leurs téléphones, les interprète et peut établir un diagnostic. « La dermatologie est basée sur l’observation », témoigne-t-il. Rien de plus simple, donc, que d’effectuer un cliché d’une plaie ou d’une lésion, et de l’envoyer à son médecin.

C’est d’après le Pr. Faye une façon de rendre accessible à tous des services qui seraient autrement réservés à une petite minorité. Tous ? Et oui. Car, comme l’explique le dermatologue, « cela paraît surprenant, mais dans tous les coins les plus reculés du Mali, chaque famille au moins a un téléphone portable ».

Quid de la qualité des soins et de la confidentialité des données ?

Bien sûr, appliquée en France, cette méthode simple soulèverait des montagnes de problèmes. La photo n’est pas suffisante pour permettre au praticien de se faire un avis, grogneraient sans doute avec raison les sceptiques de tout poil : la bonne médecine passe par l’entretien approfondi, le colloque singulier…

Autre souci qui ne manquerait pas d’émerger rapidement : quid de la confidentialité des données de santé lorsqu’on utilise des moyens de communication comme l’e-mail et le MMS ? Les défenseurs de la vie privée exigeraient, et ils n’auraient pas tout à fait tort, que les clichés passent par une messagerie sécurisée.

Toutes ces questions, le Pr. Ousmane Faye se les est posées. Il avoue qu’il était lui-même sceptique au début. « Mais j’ai reconsidéré ma position », explique-t-il : « on peut accéder à des soins à distance de qualité ».

Un observatoire méridional et rafraîchissant

Moralité : bien sûr que l’innovation pose des défis à la médecine telle que nous la pratiquons aujourd’hui, mais ce n’est pas une raison pour ne pas les relever. D’ailleurs, nombre d’acteurs guettent attentivement ce qui se passe dans les pays économiquement moins favorisés. Béatrice Garrette, directrice générale de la fondation Pierre Fabre, a expliqué lors de la même table-ronde que son institution a récemment mis sur pied un « Observatoire de la e-santé dans les pays du Sud ». L’objectif ? Observer, partager les bonnes idées, mais aussi…  les copier. « La pénurie de médecins dans le Sud oblige à trouver des solutions nouvelles, qui nous seront utiles dans le Nord », analyse Béatrice Garrette.

Enfin une façon de changer le regard misérabiliste que nous avons trop souvent sur la santé dans les pays dits « du Tiers-Monde »…

Source:

Adrien Renaud

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