La Chine, CRISPR et les post-humains

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La Chine, CRISPR et les post-humains

L’affaire des jumelles chinoises Lulu et Nana dont le génome a été modifié par nucléase CRISPR est en passe de devenir une saga. Le sort de He Jiankui, le scientifique qui a organisé leur naissance, est au centre des interrogations. Il aurait tour à tour disparu des radars ; en passe d’être condamné à mort ; sur le point d’être proclamé héros national ; et aujourd’hui on le soupçonne d’avoir voulu donner aux deux bébés, grâce à la modification génétique, une intelligence et une mémoire hors du commun en même temps qu’une immunité au VIH. Retour sur les enjeux des utilisations des nucléases sur l’humain, entre rumeurs et avènement d’une nouvelle espèce post-humaine.

Le posthumain, figure mythologique de la philosophie moderne

Le thème de l’humain génétiquement augmenté, qui se différencie de l’espèce « naturelle » est relativement ancien. Dès le début du XXe siècle, les frères Haldane et Julian Huxley, entre autres, formalisent et explorent les thèses eugénistes qui pousseraient vers une « amélioration génétique ». Le tournant du XXIe siècle, et les progrès faits dans le séquençage de l’ADN et sur le clonage des mammifères, connaît un regain d’intérêt pour ces questions, avec des œuvres comme celles de Peter Sloterdijk (Règles pour le parc humain, 2000), Jurgen Habermas (L’avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme libéral ?, 2001), ou encore Francis Fukuyama (Our Posthuman Future : Consequences of the Biotechnology Revolution, 2002). La possibilité du post-humain est aujourd’hui solidement implantée dans notre référentiel philosophico-politique. Mais, jusqu’à maintenant, son ancrage dans le réel est bien moindre.

Les selfies de He Jiankui

Selfie pris par He Jiankui avec Jennifer Doudna à la conférence du CHSL en août 2016 et publié sur son blog personnel.http://blog.sciencenet.cn/home.php ?mod=space&uid=514529

Revenons à l’affaire He Jiankui. Premier soupçon : l’État chinois n’aurait-il pas commandité la naissance d’enfants augmentés génétiquement afin d’envisager le déploiement d’une infrastructure visant à générer des humains plus performants ? La vérité est certainement plus complexe. En investissant massivement dans les nouvelles technologiques, et particulièrement dans les sciences de la vie, la puissance publique chinoise met en place des conditions propices à l’innovation biomédicale. La taille de ce pays, sa fragmentation administrative et sa difficulté à séparer et articuler les pouvoirs entraînent nécessairement l’apparition de failles difficiles à surveiller. L’administration chinoise est responsable de n’avoir pas su détecter et interdire ce programme à temps, mais rien n’indique pour l’instant qu’elle soit coupable (ou même capable) de l’avoir organisé....

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