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Un service à bout de souffle
Laurence Flork, 59 ans, raconte à France 3 Auvergne-Rhône Alpes un quotidien devenu invivable. « Nous ne sommes plus que 3,6 équivalents temps plein : trois cardiologues et moi. Mais je suis la seule à avoir le diplôme français. »
Ses collègues, d’origine étrangère, n’ont pas encore obtenu l’équivalence nécessaire pour exercer en autonomie. Résultat : elle se retrouve seule à assurer la responsabilité médicale du service.
« On a une unité de 34 lits de médecine à orientation cardiologique, mais surtout une unité de soins de cardiologie, avec des patients instables nécessitant une astreinte 24 heures sur 24. Je suis soit en première ligne, soit en seconde ligne. Je suis tout le temps sur le pont. »
Des alertes ignorées
Depuis des mois, la cheffe de service alerte sa direction. En vain.
« La cardiologie du CHU de Clermont-Ferrand est au courant depuis mai qu’il y aurait un problème en novembre. Cela fait quatorze ans que ma collègue est partie en retraite, et je n’ai jamais eu de successeur stable sur son poste. »
À partir de novembre, les cardiologues étrangers du service quitteront l’établissement pour des raisons personnelles ou professionnelles. Un remplaçant est attendu, mais il ne sera pas autonome immédiatement.
« Je vais être obligée de travailler non-stop pendant un mois. Ce n’est pas possible pour un être humain. »
Une vocation qui s’éteint
Usée, Laurence Flork quittera l’hôpital public pour exercer en libéral. « Je serai mieux rémunérée, je choisirai mes horaires, et je ne travaillerai ni le week-end, ni les jours fériés, ni la nuit. »
Le CHU de Clermont-Ferrand propose d’envoyer des cardiologues sur quelques demi-journées par semaine. Une mesure très insuffisante selon elle :
« On traite des patients instables et on a aussi une grosse consultation externe avec examens, épreuves d’effort, échographies de stress… Ces médecins choisissent leurs activités, donc ils ne veulent pas tout faire. Cela ne résout pas le problème. »
Une onde de choc à l’hôpital
La démission de la cheffe de service pourrait entraîner celle d’autres médecins. Les syndicats confirment le mouvement.
« La cardiologie est une spécialité très transversale », rappelle-t-elle. « On passe notre temps à donner des avis pour les urgences, les bilans pré-opératoires, les chimiothérapies. Mon départ va impacter tout l’établissement. »
L’unité de soins continus de Riom accueille environ 580 patients par an et assure 3 600 consultations externes. « Ce n’est pas un besoin énorme : un équivalent temps plein ne représente pas grand-chose pour le CHU de Clermont-Ferrand, où il y a 28 cardiologues. »
Grève et mobilisation
La CGT et FO ont déposé un préavis de grève pour le 17 octobre.
« Sans cardiologue, ce n’est juste pas possible, » s’inquiète Amalia Vieira, secrétaire générale CGT. « Il n’y a que deux cardiologues privés dans le secteur, et l’un part à la retraite. Les patients auront une moindre chance d’être pris en charge. »
Même constat du côté de SUD. Charlène Lugnier dénonce « des propositions insuffisantes » de la part du CHU : « Deux jours par semaine, c’est trop peu pour assurer correctement les patients. »
Les élus s’en mêlent
Pierre Pécoul, maire (SE) de Riom et président du conseil de surveillance, appelle « au calme » et promet une réunion avec la direction du CHU : « Je souhaite que tous les esprits se calment. »
La députée (PS) Christine Pirès-Beaune se montre plus alarmée :
« S’il n’y a plus de service de cardiologie à Riom, c’est une perte de chance pour les malades. Vous n’allez pas me faire croire qu’on ne peut pas trouver une solution : le CHU compte 28 cardiologues, dont 8 jeunes docteurs. Si on veut, on peut. »
La direction du CHU de Clermont-Ferrand indique à France 3 Auvergne-Rhône Alpes qu’elle “ne souhaite pas s’exprimer pour le moment”.
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