"La capacité du corps à supporter un traitement dépend beaucoup de la masse musculaire, et donc de l'état nutritionnel", explique le Dr Bruno Raynard, chef du service nutrition de l'Institut Gustave Roussy, l'un des principaux établissements français de cancérologie.
Gustave Roussy a par exemple inauguré en décembre le programme culinaire "Repas toqué". Objectif : proposer deux fois par mois des plats cuisinés par un chef étoilé à une quarantaine d'enfants et d'adolescents malades du cancer, pour stimuler leur appétit.
"On a d'abord séjourné dans un hôpital où ils ont servi de la langue de bœuf aux enfants. Ce n'est pas possible !", témoigne Élisabeth, mère d'une fille de 13 ans sous chimiothérapie à Gustave Roussy, qui salue l'initiative.
"La chimiothérapie induit une sensibilité aux odeurs, modifie le goût. Les enfants, surtout les adolescents, disent souvent avoir l'impression de manger du carton", détaille le Dr Christelle Dufour, cheffe du département de cancérologie de l'enfant et de l'adolescent à Gustave Roussy.
Ces "Repas toqués" vont "améliorer tous les sens", assure-t-elle. "D'abord la vue, grâce une jolie assiette. Ensuite l'odorat, via une odeur différente des plateaux habituels, et puis bien sûr le goût".
L'hôpital Saint-Louis à Paris (AP-HP) a été le premier à lancer ce programme en 2018, à l'initiative de l'association "Princesse Margot" qui accompagne les jeunes patients atteints d'un cancer.
58% des patients à l’hôpital sont satisfaits de leur plateau repas
Les repas à l'hôpital sont un sujet qui "revient régulièrement chez les patients et leurs familles", qui jugent peu appétissants les plateaux servis, déclare la présidente de cette association, Muriel Hattab. Or "bien manger, c'est important aussi pour le moral : ça peut améliorer l'humeur et permettre un état combatif face à la maladie".
Selon des enquêtes nationales de satisfaction organisées par la HAS, 58% des patients à l'hôpital sont satisfaits de leur plateau repas.
Le député LREM du Val-de-Marne Frédéric Descrozaille a expérimenté un projet nommé "Repas à l'Hôpital" de 2018 à 2021, avec le soutien du ministère de la Santé, dans trois établissements : l'AP-HP Paris Centre, le centre hospitalier de Paray-Le-Monial (Saône-et-Loire) et celui de Douai (Nord).
Le but était d'améliorer la satisfaction des patients vis-à-vis des plateaux repas, et de respecter les recommandations de la loi EGAlim, qui demande d'intégrer dans la restauration collective 50% d'achats de produits de qualité et durables, dont au minimum 20% de produits bio.
"Le repas est partie intégrante de l'offre de soin. C'est pourquoi la signature du projet est Mangez mieux, guérissez plus vite", explique le député. "Je voulais prouver que sans une ligne de budget en plus, sans un article de loi supplémentaire, EGAlim pouvait être appliquée à l’hôpital simplement par le renouvellement de l'offre alimentaire".
Au terme de l'expérimentation, "la satisfaction des patients a augmenté de 30% et le gaspillage alimentaire réduit aussi jusqu'à 30%, soit un gain moyen de 27 centimes par plateau", précise Marie-Cécile Rollin, directrice de Restau'Co, le réseau interprofessionnel de la restauration collective, qui a mené le projet.
Ses promoteurs attendent maintenant que le ministère de la Santé étende l'expérimentation à d'autres établissements.
Les hôpitaux français consacrent 1 à 2% de leur budget à l'alimentation, selon le Conseil national de l'alimentation, une instance consultative indépendante placée auprès des ministres chargés de l'Agriculture, la Santé, l'Environnement ou encore la Consommation.
Avec AFP