Gilets jaunes fichés dans les hôpitaux : le secret médical vole en éclat

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Dans son édition du 24 avril, le Canard enchainé affirme que le secret médical a été délibérément violé dans le fichage des gilets jaunes inscrits dans le fichier SI-VIC. L'ARS Ile-de-France et l'AP-HP ont reconnu des incidents qui ont conduit au non-respect du secret médical. 

Gilets jaunes fichés dans les hôpitaux : le secret médical vole en éclat

Dans un communiqué dont nous nous sommes fait l’écho, l’ARS Ile-de-France et l’AP-HP réfutaient les accusations selon lesquelles les autorités sanitaires renseignaient sur un fichier SI-VIC l’identité des gilets jaunes blessés pris en charge dans les établissements de santé, afin de les transmettre au ministère de l’intérieur. Ce fichier, assurait les autorités sanitaires, n’avait d’autre but que de faire face à un possible drame sanitaire. 

En particulier, l’ARS et l’AP-HP juraient leurs grand dieux que le secret médical était préservé, dans le cadre de l’alimentation du fichier SI-VIC : « Dans le respect du secret médical, il ne comporte pas de données médicales, c’est-à-dire aucune donnée sur la nature des blessures prises en charge. »

Faux, lui répond ce matin le Canard enchainé du mercredi 24 avril. Car les journalistes du Palmipède ont consulté des extraits des renseignements inscrits dans le fichier SI-VIC, pour ce qui concerne les gilets jaunes blessés. Et ces fiches sont truffées d’informations médicales. On peut y lire, par exemple : « tir flash ball : plaies arcades », « tuméfaction oreilles : plaie oreille », etc. 

Pour le Canard enchainé, l'utilisation du fichier Si-Vic est hors clous.

Autre souci : le fichier SI-VIC est renseigné en temps réel : « L’inscription d’untel résidant à telle adresse, pris en charge à 16h46 pour un tir de flash-ball à l’hôpital Cochin représente une info en or pour les flics qui voudraient le cueillir ou simplement enrichir leur répertoire de manifestants ». 

Car, malgré les dénégations de l’ARS Ile de France et l’AP-HP, rien n’indique, dans le décret du 9 mars 2018 encadrant le dispositif SI-VIC que le ministère de l’intérieur n’y a pas accès. Bien au contraire, comme le rappelait WUD précédemment, ici et : le décret autorise la consultation de ce fichier par des agents habilités du ministère de la Santé (dont des fonctionnaires des agences régionales de santé), mais aussi par des fonctionnaires « du ministère de l’intérieur, de la justice et des affaires étrangères », précise le Canard Enchainé. 

Enfin, et ce n’est pas la seule anomalie de l’utilisation de ce fichier SI-VIC : la Cnil autorisait son usage, à condition que les patients fichés en soient informés, et qu’ils en aient donné l’autorisation. Là encore, il semblerait que les gilets jaunes dont les identités ont été consignées dans ce fichier n’en aient pas été informés : « Sur mes 15 clients pris en charge dans les hôpitaux parisiens, aucun n’a été averti d’un tel fichage », assure Arié Alimi, avocat de plusieurs gilets jaunes », qui s’est confié au Canard enchainé. Un manifestant fiché à l’insu de son plein gré a déjà porté plainte pour « collecte illicite de données à caractère personnel et violation du secret professionnel ». Ces multiples alertes n’ont pas empêché Martin Hirsch de demander à la veille de la manifestation des gilets jaunes du 20 avril de « renseigner SI-VIC pour faciliter la régulation sanitaire ».  Le syndicat Union française pour une médecine libre (UFML), dans un communiqué publié ce matin, s'interroge : s'agit-il là d'un scandale politico-sanitaire ? "S’il apparaît que les services de l’Etat ont sciemment bafoué le secret médical , la profession médicale devra en tirer les conséquences et demander la démission des plus hauts responsables de ce scandale politico-sanitaire", conclue l'UFML. 
Quant aux institutions mises en cause, à savoir l'ARS Ile-de-France et l'AP-HP, elles ont réagi en publiant un nouveau communiqué, peu de temps après la sortie du Canard enchainé. Une fois n'est pas coutume, elles ont reconnu leur tort, pour ce qui est des multiples violations du secret médical. Mais ces "incidents" restent des événements en marge, affirment-elles, qui seront corrigées : "À la suite des investigations conduites pour vérifier certains éléments parus dans la presse, il apparaît que les onglets « commentaire » de l’application ont pu être utilisés pour mentionner des éléments de nature médicale. Cette pratique n’a été identifiée que de façon marginale ; à ce stade de nos investigations (trois services concernés un ou deux samedis) la case « commentaires » a été remplie de manière inappropriée pour rajouter des informations que les équipes pensaient utiles sur la nature de la blessure." Une enquête est en cours, nous avertissent-elles. Tout. Va. Bien.

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