Extension des déserts médicaux : revaloriser la médecine libérale ?

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L’accessibilité géographique aux médecins généralistes a baissé de 3,3 % entre 2015 et 2018, en raison d’un décalage croissant entre l’offre et la demande de soins, selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), qui vient de publier une étude sur le sujet. Par ailleurs, la part de la population française vivant en zone sous-dotée en médecins généralistes est passée, en quatre ans, de 3,8 % à 5,7 %.

Extension des déserts médicaux : revaloriser la médecine libérale ?

Petite devinette. Connaissez-vous l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL) ? Selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), il s'agit du nombre de consultations par an et par habitant, qui permet de rendre compte de l’accessibilité de la population aux médecins généralistes.
 
Hé bien, sachez que l’APL moyen aux médecins généralistes s’est dégradé de 3,3 % entre 2015 et 2018, selon une étude de la Drees. Cette année-là, les Français avaient en effet accès, en moyenne, à 3,93 consultations par an par habitant chez un médecin généraliste, libéral ou salarié d’un centre de santé, exerçant dans une commune à moins de 20 minutes en voiture de leur lieu de résidence, contre 4,06 consultations par an en 2015 (voir notre infographie).
 
Selon la Drees, l’accessibilité se réduit sur l’ensemble du territoire, mais « de manière plus prononcée dans les communes les moins bien dotées en médecins généralistes ». L’accessibilité des 10 % de la population les mieux lotis baisse en effet deux fois moins que celle des 10 % les moins bien lotis.
 
Cette baisse d’accessibilité est d’abord liée à une démographie médicale peu dynamique, explique la Drees qui évoque l’effet conjugué « d’une baisse du nombre total de consultations proposées par les médecins (effet de l’offre) et de besoins de soins croissants (effet de la demande) ». Des besoins de soins qui auraient augmenté, du fait d’une croissance démographique de 1,2 % durant la même période 2015-2018 (hors Mayotte).

Départs à la retraite 

Par ailleurs, la décennie 2010 a été marquée par le départ à la retraite des générations de médecins issues des numerus clausus élevés des années 1970-1980, tandis que les médecins actuellement en milieu de carrière sont moins nombreux, sous l’effet des numerus clausus particulièrement faibles des années 1990, poursuit la Drees.
 
Conséquence : les effectifs de médecins généralistes (ville et hôpital) ont stagné entre 2015 et 2018, pendant que le nombre de MG libéraux pris en compte dans le calcul de l’APL a diminué de 2,1 % entre 2015 et 2018 (55 600 médecins). Si bien que « la diminution du nombre de ces médecins s’est traduite par une diminution du nombre total de consultations effectuées », explique la Drees.
 
Comment remédier à ces maux ? « Les stratégies visant la libération de temps médical utile (nouvelles organisations territoriales, protocoles de coopérations interprofessionnelles, recours au numérique, etc.) peuvent constituer un levier pour freiner cette tendance structurelle », estime l’étude.
 
L’étude de la Dress montre également qu’une part faible mais croissante de la population vit en zone sous-dense (voir notre infographie). Le nombre de Français vivant dans un territoire de vie-santé sous-dense (ayant accès à moins de 2,5 consultations par an et par habitant) est passé de 2,5 millions à 3,8 millions de personnes. La Guyane, la Martinique et la Guadeloupe sont les régions les plus touchées par la sous-densité médicale, suivies en métropole par l’Île-de- France et le Centre Val-de-Loire.
 
Dans ces dernières régions, le nombre de médecins généralistes a diminué respectivement de 4,2 % et de 5,8 %, alors que la croissance démographique y est positive (+1,3 % et +0,3 % entre 2015 et 2018). Près de 6 médecins français sur 10 seraient directement concernés (aujourd’hui et dans les années à venir) par la problématique des déserts médicaux, selon une enquête récente Egora-Université des déserts médicaux et numériques (Udmn).

 

La CSMF demande une revalorisation de la médecine libérale
Le nombre de personnes vivant dans les territoires sous-dotés est passé de 2,5 millions en 2015 à 3,8 millions en 2018, rappelle la CSMF qui a lu attentivement l’étude de la Drees. Pour le syndicat, c’est « le résultat de la diminution du nombre de médecins généralistes, lié à un numerus clausus limité à 3 500 étudiants en deuxième année dans les années 1995 ». En dehors de la suppression du numerus clausus qui concerne environ 10 000 étudiants en 2e année de médecine, différentes mesures devraient aussi avoir un impact selon le syndicat : aide à l’installation, aide au regroupement des médecins, mise en place des assistants médicaux, télémédecine. Enfin, « le cumul emploi-retraite qui, dès le 1er janvier 2022, permettra aux médecins volontaires d’améliorer leur faible retraite, est une autre disposition favorable », estime le syndicat qui ajoute que les jeunes générations tardent à s’installer en médecine libérale, « légitimement préoccupés par la dérive administrative de notre métier, ainsi que par une valeur de l’acte médical très en-deçà de la moyenne européenne qui rend l’exercice salarié plus attractif ». Il est donc urgent pour la CSMF « de prendre des mesures sur le tarif des actes médicaux afin que la médecine libérale attire réellement les jeunes générations ».

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