Crise des sirops contre la toux frelatés : des parents indonésiens demandent justice

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Une vingtaine de familles indonésiennes demandent justice pour leurs enfants tués ou gravement malades à cause de sirops contre la toux contaminés.

Crise des sirops contre la toux frelatés : des parents indonésiens demandent justice

© IStock

Des décorations d'anniversaire sur le thème des dinosaures sont encore accrochées aux murs de la maison indonésienne de Safitri Puspa Rani, où la famille a célébré l'anniversaire de leur fils cadet, l’année dernière.

Un mois après son anniversaire, le jeune garçon est mort d'une lésion rénale aiguë, quelques jours après qu'un médecin lui a prescrit un sirop contre la toux contenant des ingrédients qui ont été liés à plus de 200 décès d'enfants en Indonésie, selon le ministère de la Santé du pays.

« Je lui ai chuchoté à l’oreille, le médicament arrive, s'il te plaît, tiens bon encore un peu », relate Rani, en larmes dans sa maison de la province de Java Ouest, en se remémorant les derniers jours de son fils. « Mais j'ai menti, il n'y avait pas de médicaments ».

Cette mère de 42 ans fait partie de la vingtaine de familles indonésiennes qui demandent justice pour leurs enfants qui, selon elles, ont été tués ou rendus gravement malades par des sirops contre la toux contaminés.

Leur action collective vise le ministère de la Santé, l'agence chargée de la sécurité sanitaire des aliments et des médicaments (BPOM), ainsi que huit sociétés qu'elles accusent d'avoir vendu ces sirops - qui, selon l'OMS, contiennent une « quantité inacceptable » de diéthylène glycol et d'éthylène glycol.

"Ces contaminants sont des produits chimiques toxiques utilisés comme solvants industriels et agents antigel qui peuvent être mortels même pris en petites quantités", a averti l'OMS en janvier, ajoutant qu'ils "ne devraient jamais se trouver dans les médicaments".

Depuis octobre de l'année dernière, l'OMS a émis des alertes pour la Gambie, l'Indonésie et l'Ouzbékistan concernant des sirops contenant les deux produits chimiques.

Farrazka, cinq ans, a dû subir une dialyse pour ses reins défaillants après avoir pris l'un des médicaments, explique à l'AFP sa mère Indah Septian.

« Quand j'ai appris qu'il devait subir une dialyse, j'étais si confuse et je ne savais pas quoi faire. Ce n'est qu'un enfant », déplore Septian à son domicile.

« Maintenant, il se fatigue facilement, même s'il ne fait qu'un peu d’activité", ajoute la jeune femme de 31 ans.

Mais Septian et son mari Riski Agri se considèrent plus chanceux que les autres familles.

« Jusqu'à aujourd'hui, je me réveille encore au milieu de la nuit pour aller voir comment il va. Nous avons failli le perdre », lâche Agri, 34 ans.

C’était du poison

Depuis que le gouvernement a tiré la sonnette d'alarme en octobre, la BPOM a rappelé 105 produits après que des tests ont révélé la présence de quantités excessives de ces deux substances chimiques. Elle a également révoqué les licences de six entreprises pharmaceutiques.

La police a lancé une enquête sur cinq sociétés et arrêté quatre suspects. Mais les plaignants affirment que ce n'est pas suffisant.

« Dès le début, cette affaire n'a pas été considérée comme une priorité », estime Awan Puryadi, l'avocat représentant les familles. « Toutes les victimes qui sont encore en vie, et qui sont encore soignées, doivent toutes être prises en charge par le gouvernement pour le reste de leur vie. »

Elles réclament des dommages de 2 milliards de roupies environ pour chaque victime décédée et environ un milliard de roupies pour celles qui ont été gravement malades, précise l'avocat.

Lors d'une audience le mois dernier, les parents portaient des chemises noires sur lesquelles on pouvait lire « Je pensais que c'était un médicament, c'était du poison ».

La prochaine audience est prévue pour le 9 mars.

L'une des entreprises accusées lors du procès, contactée par l'AFP, a nié avoir mis des produits chimiques dans ses sirops contre la toux et a rejeté la responsabilité de toute contamination sur un distributeur.

L'organisme indonésien de réglementation des médicaments, tout comme l'OMS, affirme que ces produits chimiques ne devraient jamais être utilisés dans les médicaments sous forme de sirop, car ils peuvent être toxiques pour l'homme.

Mais elle précise qu'en cas de contamination au cours de la production, les produits chimiques peuvent être consommés sans danger jusqu'à un niveau de 0,1 milligramme par millilitre.

Quatre autres entreprises citées dans le procès n'ont pas répondu à une demande de commentaire, et l'AFP n'a pas pu en joindre trois. Les sept sociétés n'ont pas commenté publiquement l'action en justice ou les allégations.

Des traitements trop coûteux

Sans indemnisation, les parents des enfants malades doivent faire face à des frais de traitement que beaucoup ne peuvent pas assumer.

Raivan, 18 mois, était incapable de bouger après avoir consommé un sirop contre la toux prescrit par un pédiatre en mai, raconte sa mère Resti Safriti. Il est désormais nourri par voie entérale et a subi une trachéotomie.

Dans l'espoir de reproduire les techniques de physiothérapie, ses parents se contentent de le bercer sur un ballon d'exercice dans leur maison de Jakarta.

« Nous ne pouvions pas nous permettre une thérapie, alors nous faisons ce que nous pouvons avec ce que nous avons à la maison », explique Resti.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/en-gambie-le-sirop-de-paracetamol-serait-en-cause-dans-la-mort-de-28-enfants

Resti et son mari ont dû quitter leur emploi pour s'occuper de lui, et elle a supplié le gouvernement de « réparer le système » qui a conduit à la souffrance de son enfant.

« Ne laissez pas d'autres parents et enfants subir cela », a-t-elle dit. «Et si cela arrivait à votre propre enfant? »

Avec AFP

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