C’est dans la tête : quand l’infertilité ne rentre pas dans les cases

Article Article

Qu’il est loin le temps où la BD faisait figure de genre pour enfants ! Aujourd'hui, le « 9e art » aborde tous les thèmes… y compris la santé. Cet été, What’s up Doc vous fait découvrir quelques albums mettant en scène soignants et patients. Aujourd'hui, C’est dans la tête, de Lise Minidam.

C’est dans la tête : quand l’infertilité ne rentre pas dans les cases

© DR.

« Errance diagnostique ». Les médecins réussissent à mettre des termes techniques sur tout, y compris sur leurs échecs. Mais de l’autre côté du bureau de consultation, les choses ne sont pas si simples : il ne suffit pas de donner un nom à une souffrance pour qu’elle s’apaise. La preuve avec C’est dans la tête, objet graphique non-identifié où Lise Minidam raconte son infertilité inexpliquée et dévoile comment, après avoir eu un premier enfant, ne pas réussir en avoir un second l’a poussée au bord du gouffre existentiel. « Ne pas être en mesure de redevenir mère m’a isolée de mes proches, coupée de mes amies, et fait flirter avec le néant », écrit-elle en avant-propos.

De fait, c’est un parcours d’obstacles plutôt qu’un parcours de soins que nous décrit l’autrice au fil des pages épurées de cet album élégant. On y croise des gynécologues, des psychologues, des psychiatres, mais aussi un micro-kiné, une magnétiseuse… Tous répètent en boucle un message dont ils n’ont pas l’air de saisir l’aspect culpabilisant : elle ferait mieux de se détendre, car l’infertilité, c’est parfois « dans la tête ». « Moi je crois que c’est plutôt dans la chatte », répond Lise en son for intérieur (l’élégance n’exclut pas un langage parfois cru) tout en suivant à la lettre les injonctions des différents praticiens et autres gourous qu’elle rencontre.

C'est dans la tête - Lise Minidam

Un utérus pour personnage principal

L’un des atouts de C’est dans la tête réside dans le traitement graphique adopté par Lise Minidam. La bichromie (en rose et bleu, forcément) et la simplicité du dessin laissent souvent les personnages principaux (un utérus, quelques ovules et une poignée de spermatozoïdes) comme perdus au milieu de la page, ce qui nous fait intensément ressentir le désarroi de leur créatrice : pas de bulles, ni de cases délimitant l’espace, la patiente et son organisme sont laissés seuls face à l’infini et au désespoir.

Et si l’humour est présent à chaque page, il ne faut pas oublier que le contenu de C’est dans la tête est avant tout politique. Lise Minidam nous offre en effet une virulente charge contre le machisme ambiant. « Je me suis effondrée… parce qu’être née fille autorisait tout un chacun à penser que j’étais un être fragile, débordé par ses hormones et ses émotions dans une société qui puait la psychanalyse et patriarcat et qui me jugeait responsable de mon infertilité », écrit vers la fin de l’ouvrage celle qui avait noté quelques pages plus tôt que « personne n’avait jamais dit à [son] mari que sa tête ou son stress pouvaient potentiellement altérer la qualité de sa fertilité ». Bref, en quelques mots comme en cent, C’est dans la tête est une lecture utile à tout un chacun, et pourrait être indispensable pour quiconque reçoit des femmes en consultation.

C’est dans la tête, de Lise Minidam, Éditions Lapin, 2024

C'est dans la tête - Lise Minidam

Aucun commentaire

Les gros dossiers

+ De gros dossiers