Calamity Laure

Article Article

Critique de "Antoinette dans les Cévennes", de Caroline Vignal (sortie le 16 septembre 2020).

Calamity Laure
Séance de rattrapage: on a enfin vu le phénomène ciné de cette rentrée, tellement rafraîchissant qu'il devrait être remboursé par la CPAM ! On vous explique pourquoi le succès d'Antoinette est amplement justifié...

Disons-le tout de suite, on désespérait de trouver quelque chose de médical dans cette sympathique histoire d'émancipation sur la route de Stevenson - que ceux qui ne connaissent pas l'histoire du livre aillent voir le film : lui offrir une seconde jeunesse n'est pas le dernier de ses mérites... Et puis une scène au détour d'un chemin de randonnée, une cheville foulée, et voilà un alibi tout trouvé pour faire la critique de ce film euphorisant. 

Une affaire de femmes

Le déconfinement a été l'occasion de constater l'immense et insupportable débâcle dans laquelle le cinéma, qui en est déjà à la deuxième vague, n'en finit pas de boire la tasse. Courageusement, les producteurs reportent leurs grosses sorties les unes après les autres. Si l'argent n'a pas de sexe, il n'en demeure pas moins que ce sont avant tout les femmes qui sont envoyées au front pour essuyer les plâtres - à elles de tirer leur épingle d'un jeu lesté par la lâcheté des hommes ! Ainsi, c'est bien la première fois  que nous voyons débarquer sur nos écrans une proportion aussi importante de films de réalisatrices. C'est le premier motif de réjouissance que constitue le succès du film Antoinette dans les Cévennes, cheval de Troie féministe au sein d'une industrie qui aurait pu faire de Caroline Vignal, cinéaste qui n'avait alors réalisé qu'un seul film, depuis plus de vingt ans qui plus est, de la chair à canon. C'était sans compter sur le talent tout artisanal de la dame, bien aidée il faut le dire par l'épatante Laure Calamy, au jeu tout en rondeur, d'une légèreté et d'une pétulance en trompe-l'œil tant elle nous renvoie, avec son entièreté, le profond de nos âmes.

Le film démarre comme un gentil marivaudage, randonnant sur les terres balisées de la sympathique comédie à la française, de celles qui ne sont jamais lourdes et qui ne renoncent jamais à débusquer le positif dans la grisaille, l'universalité dans nos travers. Avec son projet un peu fou, et décidé sur un coup de tête, de rejoindre sur la route des vacances l'homme qu'elle aime - mais aussi sa femme et, surtout, sa fille dont elle se trouve être l'institutrice - Antoinette nous entraîne immédiatement de son côté. Son impulsivité rend caduques le moindre calcul, la moindre manipulation, sa sentimentalité la place hors du champ de la morale : voilà pourquoi elle n'est jamais ridicule, ni condamnable. C'est cela que Laure Calamy semble avoir si bien compris, et traduit si justement. Cousine germaine d'une Catherine Frot époque Dilettante, on lui promet un César.

Le film prône d'une façon certes un peu démonstrative, mais c'est le propre des récits d'apprentissage, le nécessaire retour à soi pour dépasser ses conditionnements, ses dépendances. Son acte échappant en apparence à la raison, Antoinette va progressivement en réaliser l'importance, la nécessité, et le transformer en expérience salvatrice grâce au contact des autres, de la littérature...et d'un âne! Plus efficace qu'une thérapie de pleine conscience...

Un refus revigorant de la modernité parcourt le film, qui magnifie les tenanciers de gîte et anoblit les hôtels une étoile, nous renvoyant également aux limites de notre course vers le "toujours plus", autre forme d'aliénation. En écho à ces temps incertains, où s'évader est parfois difficile, le film nous rappelle que l'aventure n'est jamais loin, que ce soit sur les routes de nos belles régions françaises ou plus encore en chacun de nous-même. Ce pourrait être un poncif, mais il nous est administré avec tant de simplicité, et surtout il réussit tellement à nous faire ressentir ce qu'il décrit, qu'il n'est jamais indigeste.

Les gros dossiers

+ De gros dossiers