Bipolaires, schizophrènes, dépressifs… Bienvenue au Club pour retrouver un emploi

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"Ici, la maladie, ce n'est pas le sujet" : des personnes souffrant de troubles psychiques prennent le chemin de la réinsertion sociale et professionnelle au sein du "Clubhouse" de Paris, association qui se veut "une passerelle entre le soin et la Cité".

Bipolaires, schizophrènes, dépressifs… Bienvenue au Club pour retrouver un emploi

Bipolarité, schizophrénie, dépression... Invisible et souvent tabou, le handicap psychique est pourtant loin d'être rare : selon l'OMS, un Européen sur quatre est touché par des troubles psychiques au cours de sa vie, et la prévention n’est pas toujours au rendez-vous.

Et pour les personnes souffrant d'un tel handicap, le parcours professionnel est souvent difficile, parfois entrecoupé d'hospitalisations. Tous handicaps confondus, le taux de chômage est de 14%, contre 8% pour le reste de la population.

Le modèle du "Clubhouse", né à New York en 1948 et qui compte désormais 326 clubs à travers le monde, se veut un lieu de vie créé pour et avec ces personnes fragilisées, fonctionnant sur le principe de la co-gestion.

Dans les locaux de celui de Paris --l'un des cinq que compte l'Hexagone--, ce sont des membres/patients qui assurent eux-mêmes l'accueil.

Le lieu est ouvert "à toute personne concernée par des difficultés psychiques, à condition qu'il y ait un accompagnement par un psychiatre", explique Christine, une des sept salariées de la structure.

"Les membres font tourner la boutique"

Chaque jour, du lundi au vendredi, les tâches sont réparties sur la base du volontariat : cuisine, nettoyage, comptabilité... S'ajoutent des ateliers emploi, de la sophrologie, etc. Des ordinateurs sont aussi à disposition pour certaines démarches, l'idée étant là encore que les membres soient aidés par leurs pairs.

"Un des principes du Clubhouse est d'être sous-staffé pour que les membres fassent tourner la boutique", souligne d'ailleurs la directrice Annie Cohen auprès de l'AFP.

Chacun choisit par ailleurs un "staff référent" et réfléchit sur son projet de réinsertion, explique Christine.

Dans les vastes locaux colorés du 19e arrondissement, la cuisine ouverte occupe une place centrale. "On découpe les légumes, on fait cuire le repas" conformément au menu établi la semaine précédente, explique Paul (prénom modifié). En moyenne, 30 couverts sont servis quotidiennement (jusqu'à 40 avant le Covid) et chaque membre contribue à hauteur de deux euros.

Au menu du déjeuner d'une journée de début février : steak haché, purée de patates douces et bananes plantains rôties que partagent les membres et l'équipe autour de plusieurs grandes tablées.

Marie-Aude, "bipolaire rétablie depuis 11 ans", vient depuis plusieurs années, "toujours aussi enthousiaste". "Le fait que ce soit non médicalisé est hyper important, parce qu'on en a jusque-là", glisse cette quinquagénaire, d’un geste évocateur, entre deux bouchées.

"Le but, c'est de se relancer et d'avoir accès à l'emploi"

Au total, le Clubhouse compte quelque 500 membres, dont environ 180 viennent régulièrement. Les incidents liés à des personnes en crise sont "rarissimes", souligne l'encadrement.

Lorsqu'un membre ne donne pas de nouvelles ou a besoin de soutien lors d'une reprise d'activité, une "pêche aux nouvelles" a lieu pour maintenir le lien. En cas d'hospitalisation, le collectif envoie des cartes.

Serge, qui vient depuis peu, trois jours par semaine, estime que "cela participe beaucoup à sortir de l'isolement, ça remet le pied à l'étrier".

"Le but, c'est de se relancer et d'avoir accès à l'emploi", renchérit Maurice (prénom modifié), qui vient de trouver un stage dans le web grâce à l'association. Paul, "en pleine recherche" explique qu'il lui faut un aménagement horaire ou, à défaut, "un contact avec un manager assez régulier".

Attaché à la dé-stigmatisation des troubles psychiques, le Clubhouse organise des actions de sensibilisation en entreprise pour montrer que ces personnes sont "employables".

La structure, dotée d'un budget de 600.000 euros, est financée pour moitié par des aides publiques --le reste vient du privé.

"Le modèle a fait ses preuves", assure la directrice. Elle fait état de 30% de personnes dans une démarche de réinsertion (stage, CDD, formation...), un taux qui a un peu baissé du fait du Covid à 26-27%.

Avec AFP

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