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Une fraude révélée par un patient
L'affaire débute en 2022 lorsqu'un patient de l'hôpital Edmond Garcin d'Aubagne découvre une anomalie sur ses documents. Récemment opéré au service de chirurgie orthopédique, il constate que les actes sont facturés au nom du Dr Farhat, chef de service, alors qu'il a été opéré par un autre médecin, le Dr R.
Il porte plainte, déclenchant une enquête de la Sécurité sociale qui révèle l'ampleur de la fraude. Entre janvier 2019 et octobre 2022, le Dr Farhat aurait ainsi facturé 883 interventions frauduleuses, soit environ 26 fausses facturations par mois, précise Les Nouvelles publications. Parmi ces actes : 768 dans le secteur public facturés en libéral, 68 non justifiés, 37 sans accord préalable du patient et une dizaine totalement fictifs.
Un système frauduleux bien rodé
La technique du chirurgien était méthodique. Comme l'explique Me Gilles Martha dans Le Figaro, avocat de la Sécurité sociale : « Le docteur F. relevait les informations sur le patient, notamment la date d'opération, le prénom et le nom, ainsi que le nom du chirurgien réellement en charge de l'intervention et l'intitulé de l'acte programmé. Il récupérait ensuite sur un logiciel les numéros de Sécurité sociale des patients concernés pour générer à l'aide d'un logiciel de facturation des feuilles de soins qu'il transmettait à l'assurance maladie. »
Des revenus anormalement élevés
Les chiffres sont éloquents. Les Nouvelles publications rapporte qu’en 2021, par exemple, quand les autres chirurgiens orthopédiques réalisaient en moyenne 50 000 à 75 000 euros d'honoraires, lui percevait 327 000 euros. Selon Le Figaro, en 2021, le docteur F. déclare un revenu imposable en hausse de 101,29 % par rapport à l'année précédente.
L'enquête a également révélé qu'il a encaissé des actes de chirurgie vertébrale sans en avoir les compétences, et qu'il continuait de percevoir des honoraires même pendant ses congés.
Une ligne de défense contestée
À la barre, le Dr Farhat, 52 ans, spécialisé dans la prothèse de hanche et les problèmes articulaires, nie toute intention frauduleuse. « J'ai participé avec mes collègues à des interventions, mais je ne savais pas que je ne pouvais pas les facturer », a-t-il soutenu selon Les Nouvelles publications.
Il invoque son manque d'organisation : « J'avais la tête dans le guidon. Je ne me suis pas rendu compte », affirme-t-il. Il va même jusqu'à accuser un confrère de l'avoir piégé, évoquant « une espèce de vengeance ».
Mais la présidente du tribunal, Stéphanie Donjon, s'est montrée sceptique : « Personnellement, je n'aimerais pas me faire opérer par un chirurgien dont je sais qu'il a fait quinze opérations avant la mienne ! »
Des réquisitions sévères
La procureure Irina Ternova a été sans appel, elle a requis une peine de 30 mois de prison, dont six mois ferme, à effectuer sous bracelet électronique, ainsi qu'une amende de 50 000 euros, dont 30 000 avec sursis. Résumant l'affaire, elle a martelé : « Si je devais résumer ce dossier, je dirais : facturer plus pour gagner plus ! » relate Les Nouvelles publications.
Me Gilles Martha réclame 403 000 euros en réparation pour la seule CPAM des Bouches-du-Rhône, qui a subi le préjudice le plus important parmi les neuf caisses concernées.
De son côté, le Dr Farhat a conclu les débats en affirmant : « Je ne suis pas escroc. Je voudrais tourner la page et me consacrer à mon métier de médecin. »
Le jugement sera rendu le 4 novembre. Le chirurgien encourt jusqu'à dix ans de prison