Tribune du Pr Patrick Pessaux : « Pour une santé solidaire et altruiste pour tous ! »

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Au lendemain du Premier tour des élections législatives, Pr Patrick Pessaux, chirurgien viscéral et digestif au Nouvel Hôpital Civil du CHRU de Strasbourg, Président du CERES, Président du Comité transition écologique en Santé de la FHF, Conseiller expert Transition écologique à l'ARS Grand Est nous a demandé de publier cette tribune :

 

Tribune du Pr Patrick Pessaux : « Pour une santé solidaire et altruiste pour tous ! »

Pr Patrick Pessaux.

© DR.

« Alors que le scrutin du 1er tour des élections législatives assure une présence majeure du Rassemblement National (RN) pour le second tour, il faut rappeler les dangers que représentent leurs politiques pour la santé.
La Santé reste une préoccupation de nos concitoyens et doit rester un enjeu significatif du projet de ces législatives. Dans une société qui se veut moderne, c’est l’attention que nous portons aux plus fragiles qui reflète notre niveau de sensibilité humaniste et au « vivre ensemble »

Le RN souhaite « redonner confiance à l’hôpital public en lui fournissant les moyens pour être efficace », bien sûr sans apporter d’élément concret. En encourageant une politique de préférence nationale et en restreignant les binationaux « aux emplois sensibles », le RN ouvre la porte à des restrictions similaires pour les professionnels de santé étrangers, dont les praticiens à diplôme hors union européenne (Padhue). Déjà en manque de personnel, nos hôpitaux dépendent largement de ces professionnels, aux statuts précaires et totalement engagés pour les faire fonctionner. Leur exclusion aggraverait la pénurie, compromettant la qualité et l’accessibilité des soins, déstabilisant l’ensemble du système de santé. Cette perspective est particulièrement alarmante dans un contexte où notre système de santé est sous pression constante.

« Des mesures d'exclusion insignifiantes, insidieuses, progressives peuvent conduire à des dérives totalitaires »

Mais le plus inquiétant est que le RN propose cette restriction d'accès des binationaux à des « postes sensibles » dans la défense, la diplomatie et le nucléaire. Elle marque le début d'une dérive dangereuse. Si cette logique venait à s'étendre dans une spirale de restrictions et d'exclusions croissantes à d'autres secteurs, notamment celui de la santé, les conséquences seraient catastrophiques. Le livre Matin brun de Franck Pavloff nous avertit des dangers de la complaisance face à des politiques d'exclusion. Des mesures d'exclusion insignifiantes, insidieuses, progressives peuvent conduire à des dérives totalitaires. Si ces restrictions venaient à toucher le domaine de la santé, les répercussions seraient désastreuses pour la recherche médicale, l'innovation et la conduite de la santé publique en France.

Les binationaux jouent un rôle crucial dans le domaine de la santé en France, apportant une expertise et des perspectives enrichissantes. Alors adieu aux « Marie Skłodowska », cette scientifique d'exception, première femme à avoir reçu le prix Nobel et, à ce jour, la seule femme à en avoir reçu deux dans 2 disciplines différentes, et qui fait la fierté de la France. Et pourtant, Marie Curie travaillait sur un sujet « sensible » : la radioactivité. Et on pourrait citer de nombreux exemples.

« La recherche médicale repose sur des collaborations internationales. Exclure ces talents freinerait le progrès scientifique et technologique en santé »

La diversité des visions et la richesse intellectuelle est essentielle pour aborder les défis complexes de la santé publique, avec des approches novatrices issues de leurs expériences internationales. La recherche médicale repose sur des collaborations internationales. Exclure ces talents freinerait le progrès scientifique et technologique en santé. Restreindre l'accès des binationaux aux « emplois sensibles » envoie un message négatif sur notre capacité d'inclusion et va décourager les talents internationaux de venir travailler en France, réduisant ainsi l'attractivité et l’aura de la médecine française.

Le RN s’est régulièrement positionné pour la suppression de l’Aide médicale d’État (AME) et la remplacer par une couverture uniquement des « urgences vitales ». Le rapport Evin-Stefanini conclut que ce dispositif sanitaire est « utile, maîtrisé pour l'essentiel », « mérite à être adapté » et non supprimé. L’AME n’a pas seulement une vocation humaniste mais aussi sanitaire. Cela signifie, ne pas prendre en charge des patients qui pourraient développer des maladies contagieuses. N’aurions-nous rien retenu de la pandémie covid19 ? Limiter l’accès aux soins, c’est laisser évoluer les pathologies vers des formes plus sévères, donc plus pourvoyeuse de soins et qui coûteront au final beaucoup plus chères. Refuser des soins : l’éthique médicale ne se négocie pas !

« Les « Français de papier » n’existent pas. La grandeur de la France n’aurait jamais existé sans l’accueil et la richesse de ces « nouveaux Français », et particulièrement dans le domaine de la santé »

Et enfin, en dehors de proposer la suppression des Agences Régionales de Santé (ARS) et d’augmenter le nombre d’étudiants en médecine, le RN annonce de façon démagogique de renforcer le soutien aux proches-aidants et de systématiser les visites médicales scolaires, là encore sans détailler avec quel moyen ni avec quel personnel supplémentaire.

Les « Français de papier » n’existent pas. La grandeur de la France n’aurait jamais existé sans l’accueil et la richesse de ces « nouveaux Français », et particulièrement dans le domaine de la santé, qui de leur vie personnelle, ont choisi ce pays comme espace de leur liberté et de leur avenir.

Alors professionnel de santé, attention à la sonnette de votre maison qui retentira un matin. Il sera trop tard pour se dire : « On aurait dû dire non, résister », « mais ça va si vite ».

Alors disons non et résistons ! Faisons union pour construire un avenir commun, et maintenir un système de santé solidaire, altruiste et humaniste. Assurons-nous que la France continue de valoriser et de tirer parti de la diversité qui fait sa force. Pour l'avenir de notre santé publique et de notre recherche et innovation médicale, il est impératif de maintenir cette diversité au cœur de nos institutions. »

Pr Patrick Pessaux

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