Transparence des données : chirurgiens, encore un effort

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A quand une base de données compilant les taux de reprise de chaque chirurgien ?

Transparence des données : chirurgiens, encore un effort

 

What’s up doc en parlait il y a quelques semaines : cet été, les chirurgiens américains ont eu la surprise de voir un média indépendant rendre publiques des statistiques concernant leurs taux de complication, leurs taux de reprises, le tout au niveau individuel. Pour l’instant, les praticiens français ne risquent pas de telles divulgations, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle

Pour certains, c’est une évidence : avant de se faire opérer, le patient devrait pouvoir connaître les résultats que son chirurgien a obtenus par le passé. Nombre de complications, taux de reprise… autant d’informations chiffrées qui devraient se trouver dans le domaine public.

Pour d’autres, au contraire, une telle transparence friserait l’inconscience : un chirurgien qui n’a jamais de complications n’est pas forcément bon. C’est peut-être un praticien qui n’opère que les cas les moins difficiles. Un tel critère n’est donc d’aucune utilité pour aider le patient à s’orienter dans le système de santé.

Initiative américaine

Les avis sont tranchés, mais jusqu’à une date récente, le débat était plutôt théorique : dans la plupart des pays, les données sur les résultats obtenus par les chirurgiens étaient inaccessible pour le commun des mortels. Cela a changé cet été quand, aux Etats-Unis, le site indépendant ProPublica a mis en ligne une base de données dans laquelle tout un chacun pouvait trouver les taux de complications, de reprise, de réadmissions, etc. obtenus par 17 000 praticiens de bloc américains.

Le moins que l’on puisse dire est que la polémique suscitée par cette initiative a été vive de l’autre côté de l’Atlantique. Mais au fait… En France, quelque chose de similaire pourrait-il voir le jour ? Pour l’instant, en tout cas, on en est loin.

Scope santé, le site de la HAS qui permet de comparer les établissements, se borne en effet à donner des informations assez générales : volumétrie, infections nosocomiales, prise en charge de la douleur, tenue du dossier... Et comme nous l’indiquions il y a quelques temps, on ne peut pas espérer davantage d’information du côté d’Hospi Diag, l’outil de comparaison à destination des décideurs hospitaliers de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements (ANAP).

La base de données du futur

Et dans le futur, pourrait-on envisager de rendre publics les résultats opératoires de chaque chirurgien ? Pour Sabine Cohen-Hygounenc, chef du service de l’information des usagers à la Haute autorité de santé (HAS), la prudence s’impose en la matière. « Pour ce type de données, il y a des limites d’interprétations liées au codage, aux caractéristiques du patient », indique-t-elle. « Il y a des effets pervers à la diffusion publique de ce genre d’information, comme par exemple la sous-déclaration d’événements indésirables ».

Alors, faut-il oublier tout espoir d’une plus grande transparence en la matière ? Pas tout à fait. « Nous prônons toute démarche qui va dans le sens de la démocratie sanitaire, et c’est donc quelque chose sur lequel nous travaillons avec les professionnels », affirme Sabine Cohen-Hygounenc. « Mais quand il y aura diffusion publique de ce genre d’information, il faudra l’accompagner : sans contextualisation, elles peuvent être difficiles à interpréter et anxiogènes pour les patients ».

Malheureusement, quand on demande à la cadre de la HAS si on peut espérer quelque chose de concret en la matière avant que les poules n’aient des dents, elle élude. Dommage, car les données existent forcément… chez les assureurs : ceux-ci ont tout intérêt à savoir reconnaître un mauvais chirurgien, et il serait surprenant qu’ils ne compilent pas les informations dont ils disposent sur les praticiens qui opèrent leurs clients.

Pour les chirurgiens, la question n’est donc pas de savoir s’il faut des bases de données sur leurs résultats individuels, mais plutôt si ces bases doivent être publiques, ou si elles doivent rester dans les mains de l’Assurance maladie et des complémentaires.

Source:

Adrien Renaud

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