Sondage : les jeunes médecins (extra)lucides sur leurs préjugés

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J’ai des préjugés, mais je me soigne !

Sondage : les jeunes médecins (extra)lucides sur leurs préjugés

À l’occasion de la parution de notre enquête sur les préjugés en médecine, nous avons sondé nos lecteurs pour savoir comment leurs a priori influençaient leur pratique. Résultat : les médecins savent que les préjugés existent, mais peinent à reconnaître leur influence.

 

Les jeunes médecins et les préjugés, c’est une histoire compliquée. Voilà ce que l’on peut retenir du sondage en ligne que What’s up Doc vient de réaliser auprès de ses lecteurs. La rédaction en décortique aujourd’hui les résultats.

Un premier constat s’impose : les participants, en majorité de jeunes médecins (31 ans en moyenne), connaissent le problème. Sur les 205 répondants au sondage, 59 % reconnaissent avoir, « régulièrement » ou « parfois », constaté que des préjugés avaient causé des erreurs diagnostiques ou thérapeutiques préjudiciables aux patients.

Mieux : ils sont 47 % à se souvenir de situations où ils ont senti que leurs propres décisions étaient influencées par des préjugés, au risque de faire des erreurs. 52 % ne se rappellent pas de telles situations, mais reconnaissent que « cela doit sûrement arriver ». Il ne reste donc que 1 % de participants pour nier totalement l’influence des préjugés sur leur exercice. Belle démonstration d’honnêteté !

Pas de ça chez moi !

Conséquence logique : les participants sont 90 % à considérer qu’il faut lutter contre les préjugés. Mais là où le bât blesse, c’est que la conscience des préjugés ne va pas toujours de pair avec la connaissance de leur impact sur la prise en charge des patients. Seulement 52 % des répondants déclarent en effet savoirtque cet impact est scientifiquement démontré.

Il n’est donc pas inutile de rappeler les abondants travaux, nord-américains pour l’essentiel, qui démontrent que les patients n’ont en moyenne pas la même prise en charge s’ils sont noirs ou blancs, obèses ou pas…

Noir c’est noir

On pourra se limiter à un papier compilant de multiples recherches : dans un article de 2013, Chapman et al. passaient en revue des études utilisant l’Implicit Association Test (IAT), un outil mesurant la rapidité avec laquelle les participants associent des images de personnages noirs ou blancs avec des mots connotés positivement ou négativement. Les résultats sont nets : pour les praticiens américains, un visage blanc évoque plus facilement des idées positives qu’un visage noir.

Toute la question est de savoir si ce biais implicite se traduit dans la prise en charge clinique. À ce sujet, Chapman et al citent d’autres études tout aussi accablantes. Les patients noirs ou hispaniques, par exemple, reçoivent moins d’antalgiques que les patients blancs. La propension à diminuer la dose d’antalgique est corrélée au biais en faveur des blancs mesuré par l’IAT.

Bien sûr, on pourra objecter qu’il s’agit là d’études américaines, et qu’on ne sait pas ce qu’auraient donné de tels travaux dans un autre contexte. Malheureusement, de telles données n’existent pas en France. Tout un champ d’études à construire !

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Principaux résultats du sondage

Sondage en ligne réalisé du 11 au 17 octobre auprès des lecteurs de What’s up Doc.


Avez-vous déjà constaté que des préjugés avaient causé des erreurs diagnostiques ou thérapeutiques préjudiciables pour des patients ?
Oui, régulièrement :  7 %
Oui, parfois :  52 %
Non, pas au point de causer du tort au patient : 30 %
Non, je ne crois pas :11 %


Vous-même, avez-vous déjà senti que vous exerciez influencé(e) par des préjugés au risque de faire des erreurs ?
Oui, souvent : 4 %
Oui, j'ai en souvenir des situations qui m'ont marqué : 43 %
Non mais cela doit sûrement arriver : 51 %
Jamais : 1 %


Selon vous, quelles catégories de patients sont les plus exposées aux préjugés ?
Les minorités ethniques : 22 %
Les personnes maitrisant mal la langue : 47 %
Les obèses : 47 %
Les SDF : 50 %
Les patients psychiatriques : 67 %
Les patients alcooliques ou toxicomanes : 78 %
Les femmes : 14 %
Les handicapés moteurs : 10%
Les handicapés sensoriels : 7 %
Les patients LGBT : 15 %
Les personnes de faible niveau socio-économique : 42 %
Les minorités religieuses : 14 %
Autres7,32 %


A votre connaissance, les préjugés des médecins ont-ils un impact démontré scientifiquement sur la prise en charge ?

Oui : 52 %
Non : 48 %


Selon vous faut-il lutter contre l’influence des préjugés en médecine ?

Oui : 90 %
Non : 10 %

Source:

Adrien Renaud

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