A l'oeil nu, la machine de cryo-microscopie, gros bloc massif occupant une pièce du centre de biologie structurale, ne présente rien de particulier. Mais c'est dans une salle de projection attenante que se découvre la magie de ce bijou de précision. Sur grand écran, des structures biologiques infiniment petites s'affichent ainsi en trois dimensions, dans toute leur complexité.
Les chercheurs vont d'abord identifier une cible thérapeutique, par exemple une protéine spécifique dans le cas d'un cancer. "On va alors essayer d'obtenir la structure de la protéine pour la comprendre : mieux on la comprend, plus on est efficaces", explique Laurent Schio, directeur de recherche en "découverte de molécules".
La cryo-microscopie électronique, une découverte qui a valu à trois chercheurs internationaux le prix Nobel de chimie en 2017, "permet d'obtenir des résultats beaucoup plus rapides qu'avec les rayons X", avec des délais passés de deux ans à deux semaines, indique ainsi Laurent Schio.
Cela a un coût : trois millions d'euros pour cette machine, sept millions pour une autre, plus performante, qui sera bientôt opérationnelle.
"En oncologie, nous sommes une petite société"
Symbole d'un changement d'ère ? Le site centenaire de Vitry, en banlieue parisienne, a entamé sa mue il y a une dizaine d'années, et le temps où il produisait les premiers antibiotiques à base de pénicilline est loin.
Sanofi investit désormais dans la production d'anticancéreux, non plus par la chimie mais par bioproduction, c'est-à-dire la production issue du vivant. Vitry a été transformé, après avoir été dépollué. 250 millions d'euros ont été investis pour sortir de terre un "Biolaunch", un bâtiment de production et de recherche.
Désormais, des anticorps monoclonaux sont développés et produits ici : les anticorps, ce sont des médicaments qui vont par exemple cibler les protéines nécessaires à la production de cellules cancéreuses et se fixer sur elles pour les détruire. Ou encore agir sur la régulation de la réponse immunitaire.
Or, cette production est bien plus complexe que la chimie. "Il y a cinq phases d'amplification" du médicament, détaille Julie Bailly, l'une des responsables du site de production : "On commence par un tout petit tube de 1 ml et on se lance dans différents volumes pour aller jusqu'à 10 000 litres".
Cela donne d'énormes fermenteurs en inox, d'où sortent, au bout de cinq semaines de traitement, des bouteilles de 16 litres, envoyées à des patients à travers le monde.
Trois anticorps sont produits ici. L'anticholestérol Praluent, l'anticancéreux Sarclisa (pour le myélome multiple) et Kevzara (pour la polyarthrite rhumatoïde). Le site de Vitry, qui continue de produire des molécules de chimiothérapie, est le centre de recherche en oncologie de Sanofi, avec quelque 2 000 salariés dont 1 300 dans la R&D.
Est-ce que ces investissements suffiront à mettre le laboratoire français sur le podium des grands de l'oncologie ? Paul Hudson, son directeur général, le reconnaît : "En oncologie, nous sommes une petite société".
Si le groupe a effectué un virage stratégique depuis quelques années, il a récemment connu un échec, avec l'abandon du développement de l'amcenestrant, un traitement contre des cancers du sein, qui était développé à Vitry.
"Pour dix médicaments qui vont en essais cliniques, seul l'un d'eux va réussir", défend Paul Hudson. "Nous investissons plus d'argent que jamais dans la découverte", ajoute-t-il, se disant ouvert à de nouvelles acquisitions.
Dans tous les cas, avec la crise sanitaire, la bioproduction est devenue un enjeu de souveraineté, la France étant très dépendante des importations. Au point qu'Emmanuel Macron a fixé en 2021 comme objectif le développement de cinq nouveaux biomédicaments en cinq ans.
Avec AFP