
© Wimagine
Il aura fallu seulement 10 minutes à l’algorithme adaptatif pour qu’il traduise l’intention de marche de Gert-Jan - un patient paraplégique - en commandes de mouvement ! Ce résultat bluffant est le fruit d’un travail conjoint entre Clinatec – le centre de recherche biomédical niché au cœur du CEA de Grenoble, l'EPFL, le CHU de Lausanne et Onward Medical, et leur a valu une publication dans Nature en 2023.
La création de ce pont digital entre le cerveau et la moelle épinière a été rendue possible par la combinaison entre un implant positionné au niveau de la moelle épinière et la technologie de commande Wimagine® connectée au cerveau et développée depuis des années à Clinatec. Quand le patient imagine lever sa jambe, les algorithmes décodent cette intention, la traduisent en signal qui actionne une stimulation au niveau des racines nerveuses, permettant de réactiver le mouvement des jambes !
Wimagine®, l’interface cerveau-machine
Avant de commander directement les muscles, la technologie Wimagine® avait été développée pour actionner un effecteur, c’est-à-dire un outil de suppléance fonctionnelle : bras robotisé, fauteuil roulant ou exosquelette (de 80kg). Déjà une petite révolution ! Wimagine® - projet phare de Clinatec permet aux patients tétraplégiques de contrôler son mouvement par la pensée.
« L’interface cerveau-machine est composée de 3 grandes parties », détaille Guillaume Charvet, directeur de Clinatec : un système de mesure de l'activité cérébrale avec 32 amplificateurs, une brique logicielle qui va décoder ce signal et en extraire des intentions de mouvement de patients ; puis un système de commande de l’effecteur.
La mesure des signaux cérébraux représente un défi technique colossal : « On vient mesurer des signaux de l'ordre de dix à cent microvolts. D'où la nécessité d'une électronique hyperfine avec un traitement performant pour éviter que les signaux ne se noient dans le bruit. » Ensuite, « des algorithmes d'IA décodent ce que le patient imagine, par exemple, bouger son bras droit ou sa jambe gauche », explique le scientifique. La force de ces algorithmes, c’est d’être adaptatifs, capables de créer des modèles en temps réel avec très peu de données et des résultats impressionnants : « Pour le décodage de la marche, on peut créer un modèle en 10 minutes ! »
Clinatec, le bon mix entre ingénieurs, biologistes et cliniciens
« Le succès de ces innovations repose sur une collaboration étroite avec les équipes médicales. L'interface cerveau-machine Wimagine® illustre parfaitement la vocation de Clinatec : un centre de recherche biomédical au cœur d'un centre de recherche technologique », explique Guillaume Charvet.
L'histoire du centre a commencé avec la rencontre de 2 visionnaires, il y a presque 20 ans. D'un côté, Alim-Louis Benabid, neurochirurgien inventeur de la stimulation cérébrale profonde. De l'autre, Jean Therme, directeur du centre CEA de Grenoble. Ensemble, ils imaginent en 2008 ce concept inédit. « Mettre dans le même lieu des ingénieurs, des cliniciens et des biologistes pour qu’ils travaillent ensemble. » Cette proximité géographique et conceptuelle révolutionne les méthodes de travail. Une approche pluridisciplinaire qui s'avère indispensable pour « adresser l'ensemble des étapes de développement de dispositifs médicaux. »
Le centre Clinatec abrite toute la chaîne de développement des dispositifs médicaux. Il a été construit autour d’un bloc chirurgical spécial R&D de 90m2, avec une IRM intra-opératoire sur rails. Dans les étages, des salles de développement des implants médicaux, une plateforme préclinique, etc.
La neurochirurgie fonctionnelle, c’est le terrain de jeu de Stephan Chabardès, qui a pris la suite du Pr Benabib au CHU Grenoble Alpes : Parkinson, épilepsie, TOC sévères ou dépression, il implante des électrodes pour moduler les circuits cérébraux en profondeur.
« Avec Clinatec, on pousse encore plus loin : implants WIMAGINE® posés sur le crâne, signaux cérébraux décryptés en temps réel, patients tétraplégiques qui bougent un exosquelette par la pensée. » Un autre projet en développement : ralentir la dégénérescence neuronale avec des sondes infrarouges. « Grenoble est le terreau idéal : on y marie médecine, ingénierie et science comme nulle part ailleurs. » Et tout cela, avec vue sur les Alpes !