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Le ministre de la Santé Yannick Neuder a relancé la controverse en annonçant début juillet, lors de la Conférence des doyens de médecine puis aux Journées d’été de l’ANEMF, son intention de permettre la réintégration anticipée, dès la quatrième année, des étudiants en médecine français formés dans des universités européennes.
Cette annonce a immédiatement suscité une opposition frontale de la Conférence des doyens, de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) et du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), qui dénoncent ensemble une mesure « injuste, inefficace et dangereuse ».
Inégalités renforcées
Pour les trois institutions, cette proposition introduit une rupture d’égalité entre les étudiants. Beaucoup de ceux qui étudient à l’étranger sont d’anciens recalés du système français ou ont choisi de l’éviter, en payant des frais d’inscription et de vie très élevés dans des pays européens. « Ce contournement, seuls les étudiants les plus fortunés peuvent se le permettre. Il est profondément inéquitable de leur offrir une réintégration facilitée », peut-on lire dans le communiqué.
Cette réintégration anticipée créerait selon elle une médecine à deux vitesses, où l’accès à la profession dépend davantage des moyens financiers que de la réussite aux examens français.
Une formation en danger
Au-delà de l’injustice perçue, les résultats académiques renforcent l’inquiétude. En 2024, les étudiants formés en Europe ont échoué à 83 % aux Épreuves Nationales de fin de sixième année, contre seulement 3 % pour les étudiants ayant suivi leur formation en France. « Intégrer dès la quatrième année des étudiants au niveau très variable, voire insuffisant, c’est prendre le risque d’abaisser les exigences de la formation médicale », selon les trois présidents d'institutions.
Les universités françaises, déjà sous tension, ne disposent pas des capacités d’accueil nécessaires pour absorber ces réintégrations sans conséquences. Le numerus apertus ne suffit pas à lui seul à créer des postes d’enseignants, de stages ou des moyens d’encadrement adaptés. Chaque place accordée dans ce cadre se ferait au détriment d’un étudiant formé selon le cursus national, préviennent les signataires.
Aucun effet sur l’accès aux soins
Enfin, les opposants pointent l’inefficacité de la mesure face à l’urgence de l’accès aux soins. Les étudiants concernés ne seraient diplômés qu’à l’horizon 2032, au plus tôt. « C’est une illusion de croire que cette réforme aurait un impact rapide sur les déserts médicaux ». Selon le communiqué, les vraies solutions se trouvent ailleurs : assistants territoriaux, infirmiers de pratique avancée, meilleure répartition des stages en zones sous-dotées. Ces outils existent, mais peinent à être déployés à la hauteur des besoins.
Les trois institutions concluent sur un avertissement clair : loin d’apporter une réponse crédible à la crise de l’offre de soins, ce projet gouvernemental risque d’aggraver les inégalités et de détériorer encore les conditions de formation. Une réforme qui, selon leurs mots, « altérerait durablement la qualité de la formation médicale en France ».