«Notre mère a été laissée à l'abandon» une famille porte plainte contre un clinique Korian

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« En 15 jours, cela a été la dégringolade ». Les enfants de Lucette, 91 ans, ont porté plainte contre le groupe Korian, qu’ils accusent d’avoir laissé dépérir leur mère dans une maison de convalescence près de Pau, décédée peu de temps après en être sortie.

«Notre mère a été laissée à l'abandon» une famille porte plainte contre un clinique Korian

Michel et Geneviève l'assurent : leur mère nonagénaire était avant son hospitalisation en bonne condition physique pour son âge. Alerte et autonome, ce petit bout de femme au caractère bien trempé menait tranquillement sa "vie de mamie".

"Elle se rendait à pied deux après-midis par semaine à son club de l'Age d'Or de Jurançon, jouait au loto, faisait ses courses, cuisinait et jardinait", se remémore sa fille Geneviève. "C'était la génération dure au mal", poursuit son cadet Michel.

Jusqu'à sa chute dans la nuit du 16 avril 2020 et son hospitalisation pour une fracture du col du fémur. S'ensuit une valse entre les établissements de santé : un premier passage d'une journée dans la clinique de soins de suite de l'Ossau à Gan, appartenant au groupe Korian, avant sa ré-hospitalisation pour une hémorragie et infection urinaire consécutive à l'opération. Elle rejoindra ensuite pendant 15 jours ce centre de convalescence situé dans un parc arboré, sur les hauteurs au sud de Pau.

En plein confinement, ils ne pourront pas la voir ni lui parler par téléphone, "ses appareils auditifs n'étant pas rechargés". Elle est ensuite transférée aux urgences d'une clinique à la suite d'une "décompensation cardiaque".

"Quand j'ai revu ma mère, je sentais que quelque chose clochait", raconte son fils, qui supplie l'établissement "de ne surtout pas la renvoyer là-bas".

Celle qui parlait parfaitement jusqu'ici, ne dit plus un mot. "Elle ne marchait plus, ne mangeait plus, ne buvait qu'avec une paille. Son regard était fuyant. Elle était méconnaissable", poursuit son aînée.

Ils évoquent aussi les bras couverts d'ecchymoses et d'importantes escarres, notamment aux mollets.

"Quand je lui ai demandé : Maman, on t'a battue ? Elle a baissé les yeux", souffle Michel, d'une voix tremblante.

Le livre Les Fossoyeurs a rouvert les plaies

De retour à la maison, Lucette ne retrouvera plus son énergie d'avant. "Elle s'agrippait au déambulateur mais elle était trop faible. Son état n'était pas récupérable, poursuit Geneviève. Sa kinésithérapeute était catastrophée de la voir changée en si peu de temps".

Les jours suivants, son état se dégrade et elle est admise pour une pleuropneumopathie aux urgences de l'hôpital de Pau, où elle s'éteint le 29 juin.

La famille veut alerter l'Ordre des Médecins mais elle est vite découragée à l'idée de mener "seule son combat localement contre un gros groupe" comme Korian.

La sortie du livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet sur le scandale Orpéa rouvre les plaies. Geneviève et Michel décident de se rapprocher de Me Sarah Saldmann, à l'origine d'une action contre les groupes Orpéa et Korian. Ils ont porté plainte "contre X pour mise en danger de la vie d'autrui et blessures involontaires".

Une démarche effectuée ni "par pitié ni pour des raisons financières". "Sur son lit de mort, je lui ai dit : Maman, je laverai ton honneur", poursuit le fils.

Ils reçoivent des témoignages similaires de proches de patients hospitalisés dans cette même clinique.

"Il faut que ça s'arrête. On ne laisse pas des personnes fragiles, sans défense et qui ne peuvent pas parler se laisser maltraiter comme elle l'a été", réclame encore la fratrie qui accuse la clinique de l'Ossau d'avoir laissé leur mère "à l'abandon" et "isolée".

Joint par l'AFP, Korian, numéro 1 du secteur en Europe, a indiqué "avoir eu connaissance d'une plainte par les médias" mais "en ignorer le contenu". "Cela a affecté les équipes de l'établissement", a souligné une porte-parole du groupe privé.

"Nous n'avons pas été contactés par cette famille, nous respectons bien entendu leur démarche", a-t-elle ajouté, avant de les inviter à les joindre via le numéro de leur service "relation familles".

Au total, trente plaintes de familles de résidents visant des Ehpad du groupe Korian ont été déposées devant une douzaine de parquets dans plusieurs régions, selon leur conseil.

Avec AFP

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