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Anesthésiste-réanimatrice de 35 ans, Marion Vidal a fait ses études de médecine à Toulouse. Après un fellowship d’un an en Australie pendant la pandémie, elle a décidé de s’installer pour de bon à Perth, à la pointe sud-ouest de l'île.
What’s up Doc : En quoi le système de santé australien est-il différent du nôtre ?
Marion Vidal : Comme chez nous, il y a le secteur public et le secteur privé. Leur sécu, le Medicare, est financé par prélèvement sur les impôts et s’applique à tous les citoyens et résidents permanents. Là où c’est différent, c’est que la majorité des soins hospitaliers sont réalisés dans le privé. Pour une consultation chez le spécialiste, ils sont pris en charge à hauteur de 50%.
Les analyses de laboratoire sont entièrement remboursées, privé comme public. En revanche, tous les médicaments sont à la charge du patient, dans la limite de limite de 5 000 AUD (environ 3 000€) par an.
Que pensent les Australiens de leur système de santé ?
MV. : Ils sont plutôt contents. Ils ne se plaignent pas comme les Français (rires). Il faut savoir qu’un Australien sur trois n’est pas né dans le pays. Beaucoup viennent de pays défavorisés avec un mauvais système de santé, donc le point de vue est peut-être un peu biaisé.
C’est le prix des médicaments, vraiment élevé par rapport à la France, qui est souvent pointé du doigt. La première fois que j’ai dû payer mon Levothyrox, j’ai crié au scandale ! De fait, une petite part des citoyens (8% selon les derniers chiffres, ndlr) en viennent à renoncer à certains médicaments, même si je n’en ai personnellement pas encore rencontrés.
« En Australie, il y a moins l’aspect vocation, que l’on retrouve souvent en France, et qui peut nous pousser à s'épuiser au boulot »
Comment fonctionne la médecine générale ?
MV. : La plupart des généralistes exercent en privé par groupe, un peu comme dans les maisons de santé françaises. Il y a très peu de cabinets individuels. La consultation coûte à peu près 90 AUD, soit environ 52€. La majorité appliquent en plus des dépassements d’honoraires, sauf pour les consultations pour les moins de quinze ans, les retraités, les invalides et certaines autres catégories. Il existe aussi des consultations dans le public, qui coûtent 45 AUD (26€) et sont intégralement prises en charge.
Et en tant que médecin, les conditions de travail sont-elles meilleures qu’en France ?
MV. : Elles sont plus agréables, c’est clair. Déjà, la mentalité est différente, il y a moins l’aspect vocation, que l’on retrouve souvent en France. En Australie, la médecine est vue comme un métier de prestige, au même titre qu’ingénieur ou avocat. Mais sans le côté altruiste du soin qui peut pousser à s’épuiser au boulot. Je dirais même que la médecine est vue comme un produit de consommation, comme dans d’autres pays très libéraux. Dans la rue, à la télé, il y a énormément de publicité sur la médecine et les produits pharmaceutiques.
« L'internat, c'est minimum 35 000€ par an, avec congés payés et temps dédié aux révisions. Quand je suis arrivée, je me suis demandée si je ne travaillais pas à mi-temps »
Côté rémunération, c’est aussi plus intéressant ?
MV. : Oh oui ! Un médecin généraliste installé, ce sera autour de 200 000 AUD brut par an (120 000€). Pour les spécialistes, selon les spécialités, on est sur une fourchette de 300 000 à 400 000 AUD (180 000 à 240 000 €) dans le public. Dans le privé, ça peut même monter à 1 million (600 000€). Le tout, pour seulement 40 heures/semaine ! Moi par exemple, en tant qu’anesthésiste, je suis actuellement à 320 000 AUD par an (190 000€), et chaque année, ça augmente un peu.
Comment s’organise la formation ?
MV. : C’est à l’anglo-saxonne. Ils font deux à trois ans d’un équivalent licence, avant d’entrer en fac de médecine pour une durée de quatre ans. À l’issue, ils sont docteurs et n’ont pas besoin de passer une thèse. Ils travaillent ensuite dans les hôpitaux pendant deux à trois ans, puis candidatent à une spécialité. Cette formation dure entre cinq et neuf ans. C’est très long, une quinzaine d’années en tout. Les nouveaux médecins qui arrivent sur le marché du travail « définitif » sont plus âgés que chez nous.
En revanche, le rythme de l’équivalent internat est totalement différent : 40 heures/semaine… avec 5 semaines de congés par an et 3 semaines dédiées aux révisions. Le tout, pour une rémunération de 60 000 AUD à 100 000 AUD (35 000 à 60 000 €) ! Ça change de la France. Quand je suis arrivée, je me suis demandée si je ne travaillais pas à mi-temps…