Les déserts médicaux, ce n'est pas qu'en France, toute l'Europe est touchée

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Le Vieux Continent fait face à une pénurie de médecin grave. Pourtant, il n’y en a jamais eu autant qu’aujourd’hui. Quelles sont les causes de la pénurie ? Comment nos voisins européens y font-ils face ? Et comment agir ? Tour d’horizon de l’accès aux soins en Europe.

Les déserts médicaux, ce n'est pas qu'en France, toute l'Europe est touchée

© Midjourney X What's up Doc

La pénurie de médecins n’est pas un problème spécifique à la France, dans tous les pays d’Europe, l’accès au soin se fait de plus en plus rare. Pourtant, il n’y a jamais eu autant de professionnels de santé en exercice sur le contient. « Si l'on regarde les chiffres des dix dernières années, on constate une augmentation de 20 % du nombre de médecins pour 10 000 habitants dans toute la région européenne, et une augmentation de 8 % de la densité des infirmiers sur la même période », indique Tomas Zapata, chef d'unité personnel de santé et prestation de services pour la région européenne auprès de l'OMS.

Pour expliquer ce paradoxe, on parle d’un « déséquilibre entre l’offre et la demande ». Le site Touteleurope.eu identifie quatre facteurs pour l’expliquer.

Le vieillissement des médecins, une « bombe à retardement »

À ce jour, ils seraient 30% à être âgés de plus de 65 ans, un chiffre qui atteint 40% dans treize pays. En 2022, en France, 48,7% des soignants avaient plus du 60 ans. En conséquence : des départs à la retraites massifs sont à prévoir. Tomas Zapata affirme que c’est « un enjeu central de la crise actuelle. » En 2023, l’OMS parlait déjà d’une « bombe à retardement. »

D’un autre côté, en mai 2017, une étude de la DREES était plus optimiste : « La proportion de médecins de 55 ans ou plus, qui s’élève à 45 % en 2015, ne serait plus que de 22 % en 2040. »

Il y a quelques semaines, Pierre-Jean Verzelen, sénateur, a déposé une proposition de loi visant à introduire une exonération fiscale au bénéfice des médecins décalant leur âge de départ à la retraite. 

Un métier passion, mais qui ne doit pas empêcher de vivre

La nouvelle génération de soignants (et quelques anciens médecins) n’accepte plus de travailler près de 60 heures par semaine. Touteleurope.eu parle d’une « évolution des modes de travail. »

Retrouver un meilleur équilibre vie pro / vie perso est important pour les médecins d’aujourd’hui, et on les comprend. La société évolue et les soignants avec. Dorénavant, on parle de burn-out ou d’épuisement professionnel, et surtout on ne justifie plus le mal-être au travail par le « métier passion. » 

Ainsi, même si le nombre de médecins augmente, le volume horaire global disponible diminue, ce qui nécessite davantage de personnel pour couvrir les besoins.

Les professionnels de santé, de vrais oiseaux migrateurs

Les soignants, dans certains pays, désertent leur terre natale, ce qui affecte grandement l’accès aux soins. Pour combler ce manque, les États font appels au fameux Padhue. Si en France, ces praticiens semblent en colère contre les gouvernements qui compliquent leur intégration au système de soins, dans d’autres pays, tout est fait pour les attirer.

En Allemagne, les cliniques Schmieder offrent, en plus des cours de langue, un soutien dans l’exécution des procédures administratives. Ce qui place le pays n°1 dans l’accueil des Padhue, 54 958 médecins ont été formés à l’étranger. 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/video/comment-les-medecins-survivent-ils-la-penurie-de-personnel-medical-1

La France est deuxième au classement, mais l’écart est énorme : seuls 27 652 médecins ont des diplômes hors d’Europe. Presque moitié moins que notre voisin allemand.

Bien que leurs conditions de travail soient meilleures en Europe, les galères administratives compliquent l’arrivée de ce précieux renfort. 

Une demande de soin croissante d’une population qui, comme les médecins, vieillit

« D’ici 2050, la population de plus de 65 ans aura doublé, et celle de plus de 80 ans aura triplé », confie le chef d'unité pour la région européenne auprès de l'OMS. Et bien sûr, plus on vieillit, plus les besoins en santé augmentent. Les dépenses budgétaires aussi, un récent rapport de la Cour des Comptes explique que le vieillissement de la population coûtera 3 milliard d’euros de plus chaque année, d’ici 2030.

À cela s’ajoute la progression des maladies chroniques, la montée des troubles de santé mentale, les retards accumulés pendant la crise sanitaire, et une tendance générale à la surmédicalisation, avec des patients de plus en plus exigeants sur l’instantanéité et l’étendue de la prise en charge.

Un constat global, avec quelques disparités

La pénurie de soignant est incontestable et généralisée aux 27 pays de l’Union européenne. Mais, les problématiques principales, elles, varient. 

En Italie, Lettonie ou encore Lituanie, c’est l’âge moyen des soignants qui inquiète. En Espagne, ce sont les délais d’attente. Selon un rapport publié en décembre 2023 par le ministère espagnol de la Santé, près de 850 000 patients étaient dans l'attente d'une intervention chirurgicale sur les douze derniers mois. 

La Grèce, elle, doit faire face aux retombées de la grave crise économique qui a touché le pays entre 2010 et 2018. La situation économique était telle qu’environ 20 000 médecins avaient quitté le pays. Résultat : il y a un manque critique de soignants.

En France, sans surprise, l’enjeu majeur reste : les déserts médicaux. Pour rappel, 30,2 % de la population vivent dans une zone qualifiée de désert médical. Une situation qui s’explique par les raisons évoquées précédemment.

Mais alors, que faire pour améliorer l’accès au soin en Europe ? 

Bien que la santé publique soit un domaine régalien, les actions de l’UE peuvent compléter celles des États. Notamment en ce qui concerne « l’amélioration de l’état de santé des populations ou la prévention des maladies », peut-on lire sur Touteleurope.eu.

Tout d’abord, il conviendrait de « retenir » les médecins. Tomas Zapata développe : « Former un médecin prend entre 10 et 15 ans. Il est donc crucial de retenir ceux qui sont déjà en poste. » Pour cela, il est important d’améliorer les conditions de travail et de rendre la profession attractive aux yeux des jeunes générations.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/urgences-penurie-de-medecins-acces-aux-soins-au-portugal-aussi-letat-decide-dagir-pour-la

Il est recommandé de repenser l’organisation du soin. « Augmenter le nombre de soignants ne suffira pas », prévient le spécialiste de la région Europe à l'OMS. Il faut planifier ! Car selon lui, il est indispensable d’anticiper les besoins en personnel dans les années à venir. Cette réflexion s’inscrit dans un mantra global : investir mieux, pas forcément plus. 

« La crise du Covid-19 a ouvert une brèche pour des investissements massifs dans la santé. » Mais, il est devenu « urgent de convaincre les ministères des finances que la santé doit rester un investissement stratégique », conclut le chef d'unité personnel de santé en Europe auprès de l'OMS.

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