La Frances insoumise

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Ciné week-end : Three Billboards, Les Panneaux de la Vengeance de M. McDonagh (sortie le 17 janvier 2018)

La Frances insoumise

A Ebbing, Missouri, les policiers semblent plus prompts à terroriser la population qu'à résoudre les crimes. La mère d'une jeune fille assassinée décide de se rebeller et loue des panneaux publicitaires à l'entrée de la ville afin d'afficher au vu de tous les comptes qu'elle leur demande de rendre... On rit franchement, on est bouleversés devant tant d'humanité, et on est impressionnés d'être constamment déroutés : bref, on est tombés dans ces panneaux !

Après un mois de janvier particulièrement indigent, on commençait à désespérer de ce début d'année 2018. L'heure de la première claque a pourtant bel et bien sonné. Tout droit venu d'une Amérique profonde exsudant sa violence brute à chaque séquence, mais sous-tendu constamment par un humour grinçant très britishThree Billboards est assurément le film qu'il fallait pour faire rebooster notre craving cinématographique.

Dans une petite ville au bord de l'explosion, le viol et le meurtre de la jeune Angela ont vite fait de rejoindre les affaires classées. C'est sans compter sur Mildred, la mère, bien décidée à secouer le cocotier et à renvoyer chacun à ses responsabilités, ses lâchetés ou ses idées reçues. Elle a en commun avec les deux autres anti-héros du film une absence de concessions, chacun, à des moments distincts du film, se révélant parce qu'il n'a plus rien à perdre. On comprend aisément comment Mildred, femme battue et mère battante, en est arrivée là. Plus intrigant est le cheminement des deux policiers, représentants caricaturaux d'une autorité abusive acquérant au gré du film une densité insoupçonnée.

C'est parce qu'on ne les saisit jamais totalement que ces personnages tiennent le film. Leurs pas de côté sur la ligne toute tracée de la vengeance et de l'outrance bousculent nos certitudes et changent sans cesse notre perception des choses. Ne cédant jamais à la facilité, Frances Mc Dormand habite de sa force terrienne le personnage de Mildred et est peut-être celle qui concentre le plus l'ambivalence sur laquelle repose le film : à la fois explosive et ironique, empathique et emmurée, elle réussit le tour de force de rester constamment inquiétante. Et de nous faire douter : si chacun a ses raisons, les meilleures intentions ne deviennent-elles pas, de par leur évidence, les plus dangereuses ?

Offrant un regard distancé d'insulaire sur le spectacle de cette micro-société, Martin McDonagh renonce à trancher : armée à la fois de sa violence et de sa morale, l'Amérique est capable du meilleur comme du pire. Peut-on faire plus actuel ?

Source:

Guillaume de la Chapelle

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