IVG : l’Amérique du Sud attend l’Argentine

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Passera, passera pas ?

IVG : l’Amérique du Sud attend l’Argentine

Le Sénat argentin étudiera ce mercredi le projet de légalisation de l’avortement. Sur tous les terrains, les pro et anti-IVG sont mobilisés. Et pas seulement en Argentine.

Le 14 juin dernier, les députés argentins ont voté en faveur de la légalisation de l’avortement. De justesse. Après 22 heures de discussions, la loi a été adoptée en première lecture avec 129 voix pour, et 125 contre. Elle doit encore, le 8 août, passer par le Sénat, plus conservateur. D’après les estimations réalisées par les médias argentins, deux voix manqueraient aux pro-IVG pour atteindre la majorité (35 sur 72).

Blessed be the fruit

Sur les réseaux sociaux comme dans la rue, les partisans des deux camps continuent le combat. Ce samedi, des milliers d’Argentins ont manifesté à Buenos Aires à l’appel des églises évangélistes. En face, 32 femmes habillées en rouge et portant une coiffe blanche, faisant référence aux esclaves procréatrices de The Handmaid’s Tale (La servante écarlate), roman de Margaret Atwood récemment adapté pour la télévision. Dans tout le pays, un foulard vert s’affiche sur les vêtements ou sur les sacs des personnes qui soutiennent la légalisation de l’avortement.

Pour l’instant, l’IVG n’est permise que lorsque la santé de la mère est menacée, ou lorsque la grossesse est le fruit d’un viol. Le projet de loi prévoit de l’autoriser jusqu’à 14 semaines et inclut une clause de conscience pour les médecins. Les centre hospitaliers, eux, ne pourront pas refuser des femmes souhaitant avorter.

La vice-présidente argentine a pris la tête de l’opposition à cette loi. Elle conteste tout type d’avortement, même en cas de viol. Elle est soutenue par le président, opposé lui aussi à la légalisation, qui a tout de même souhaité ouvrir le débat. Il a annoncé qu’il n’utiliserait pas son véto, si la loi venait à passer.

Une étincelle qui prend

L’Amérique du Sud est en retard. La pression de l’Église catholique est omniprésente sur les questions sociétales, à tel point que dans la région, seuls trois pays ont légalisé l’avortement. Il s’agit de Cuba, en 1965, du Guyana, en 2006, et plus récemment de l’Uruguay, en 2012. Petite particularité Mexicaine également : le district de la ville de Mexico y est passé aussi, dans un pays qui le proscrit encore. Le Salvador, le Nicaragua et le Honduras, en revanche, l’interdisent totalement.

Mais les débats argentins ont réveillé la région, embrayant sur ceux qui ont agité le Chili, et qui ont abouti en août 2017 à une dépénalisation partielle de l’IVG, en cas de viol ou de risques pour la mère. Une avancée freinée par une nouvelle loi, qui a permis aux cliniques privées de faire jouer leur droit de conscience. Mais la porte est ouverte.

Le Brésil embraye aussi

L’Amérique du Sud se réveille, et les débats sur l’avortement pourraient bien faire boule de neige. Au Brésil, les esprits commencent également à s’agiter. La Cour suprême brésilienne a ouvert les hostilités le 3 août, répondant à une pétition lancée en 2017. Le pays compterait entre 500 000 et un million d’IVG illégales chaque année, faisant au moins 200 morts.

Comme chez ses voisins, les débats y sont déjà houleux. La Cour suprême est accusée par les conservateurs de monopoliser un débat qui devrait, selon eux, avoir lieu au Sénat. De l’autre côté, les activistes font valoir l’argument racial. « Les femmes noires défavorisées sont les premières victimes », a expliqué devant la Cour Livia Càceres, avocate défendant le droit à l’IVG.

Le combat s’annonce plus difficile qu’en Argentine, où l’opinion publique est majoritairement favorable à une loi autorisant l’IVG. Seulement un quart des Brésiliens se prononcent pour, d’après un sondage réalisé en 2017.

Crédit photo : The Handmaid's Tale (Hulu)

Source:

Jonathan Herchkovitch

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