IPA : les médecins s’accrochent à leurs prérogatives

Article Article

Et les infirmiers en veulent plus

IPA : les médecins s’accrochent à leurs prérogatives

Les projets de décret et d’arrêtés présentés fin février pour définir les limites de la pratique des infirmiers en pratique avancée ne conviennent à personne. Les syndicats de médecins ont tous une bonne raison d’être méfiants, et les infirmiers ne sont pas satisfaits non plus.

La loi de santé 2016 prévoit l’élaboration de textes réglementaires pour l’exercice d’infirmier en pratique avancée (IPA). Au moment des débats, on entendait déjà des dents de médecins grincer. Quelles responsabilités pour les infirmiers, quelle rémunération, quelle articulation avec le praticien ? Et puis, de toute façon, même cinq années de formation ne vaudront jamais les neuf d’un médecin généraliste.

Depuis, la vision a (un peu) évolué, et l’idée de récupérer du temps médical par de la délégation de tâches a fait son chemin. Un petit chemin. Vraiment pas long. À la présentation des premiers textes à la fin du mois de février, tout le monde avait son mot à dire. Et ça continue.

Une infirmière mieux payée qu'un médecin ? Z’êtes pas dingue ?

Les syndicats de médecins regrettent de n’avoir pas été inclus dans les discussions qui ont mené à la rédaction du décret et des deux arrêtés en question. Le 8 mars dernier, MG France reprochait un flou dans la définition de l’IPA, notamment dans la coopération avec le médecin généraliste traitant. Le 13, le syndicat alertait sur le retour de Charles Bovary, de « l’officier de santé » et de la fameuse « médecine à deux vitesses ».

Ce dimanche, MG France semble se perdre en explications hasardeuses, en précisant « une chose importante » dans un nouveau communiqué. « Outre le fait que les études d'IDE sont bien plus courtes que celles des médecins, elles sont aussi moins sélectives », explique-t-il, avant de se lancer dans une comparaison de chiffres un peu obscure. Il s’interroge aussi sur le modèle économique : « On ne peut tout de même pas payer les IPA plus que les MG ». Imaginez un peu…

On connaît la musique

L’UFML, de son côté, dénonce un grand plan visant à miner l’attractivité de la médecine libérale – déjà fait –, afin de « baisser les tarifs des actes par leur transfert de la médecine au paramédical » – ça vient. Le grand plan étatique pour tuer les libéraux, rien de bien nouveau.

La CSMF est un peu plus conciliante. Contacté par What’s up Doc au moment de sa réélection, Jean-Paul Ortiz a rappelé qu’il était favorable aux pratiques avancées. « Elles permettront de recentrer le métier médical sur l’expertise », estime-t-il. Mais la CSMF reproche le flou des textes, et répète inlassablement que le médecin généraliste doit être explicitement placé comme « chef d’orchestre » de toutes les pratiques avancées. « Il faut que les infirmières travaillent avec un protocole défini par le médecin, et le décret n’est pas assez précis sur ce point », regrette le président du syndicat de médecins libéraux.

Que vont devenir les spécialistes ?

Les infirmiers, quant à eux, aimeraient une autonomie encore plus avancée que celle promise par le décret. Le Conseil national de l’Ordre des infirmiers aimerait notamment que le terme de « consultation » soit prévu pour les infirmiers dans les textes, appuyant sur les problèmes de démographie médicale. Il demande, en somme, plus de reconnaissance pour leur métier, surtout face à son évolution future en bac+5 pour les IPA.

Allez, ne nous le cachons pas, on marche un peu sur des oeufs avec cette réforme. Entre des craintes de voir s’installer une trop forte autonomie des infirmiers sur la pratique médicale, qui ne bénéficierait pas forcément à un parcours de soins optimal – et ferait renaître des histoires de concurrence effacées par la pénurie de médecins –, la nécessité absolue de dégager du temps médical pour les MG et les spécialistes (le tout englué dans la traditionnelle petite condescendance médecin-infirmier), se cache un vilain petit problème dont, étonnamment, personne ne parle encore vraiment : engager des IPA dans la délégation de tâches signifiera aussi, à un moment, déléguer des actes techniques rémunérateurs (fibroscopies, échographies, etc.). Certains ne vont pas être contents. Pour l’instant, apparemment, personne ne l’est alors que rien ne semble encore le prévoir explicitement.

Source:

Jonathan Herchkovitch

Les gros dossiers

+ De gros dossiers