« Il faut savoir protéger son cabinet »

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Rencontre avec le Dr Christian Bourhis

« Il faut savoir protéger son cabinet »

La semaine dernière, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) présentait ses statistiques sur la sécurité dans les cabinets. Pour en savoir plus, nous avons interrogé le Dr Christian Bourhis, généraliste et responsable de l’observatoire de la sécurité des médecins entre 2013 et 2016.

What’s up Doc. L’Observatoire a recensé 924 agressions contre les médecins en 2015. Quelles sont les causes les plus récurrentes ?

Dr Christian Bouhris. Il y a pour commencer l’impression pour le patient de ne pas avoir été traité correctement. Ensuite, vient le refus par le médecin de donner un certificat médical ou un arrêt de travail, par exemple. Enfin, le retard de la prise en charge, puis le vol d’ordonnances ou d’objet. Ces quatre exemples représentent 75 % des causes d’agressions. Notons que les femmes sont autant agressées que les hommes. En 2015, 45 % des incidents étaient déclarés par des femmes. Soit un pourcentage identique à la proportion de femmes dans la population médicale.

WUD. Pouvez-vous donner des exemples d’initiatives récentes permettant d’améliorer la sécurité des médecins ?

CB. Avec l’aide de l’école de police de Clermont-Ferrand, nous avons diffusé, dans toute la France, des vidéos illustrant des situations à risque dans les cabinets médicaux ou les services d’urgence. Par la suite, des réunions avec la police ont été mises en place pour apprendre aux médecins comment réagir. Nous sommes également intervenus auprès du ministère de la Justice afin d’avoir un magistrat référent pour pouvoir suivre les plaintes des médecins.

WUD. Et au niveau local ?

CB. Les Conseils départementaux de l’Ordre ont pris plusieurs initiatives. À Sarcelles, par exemple, nous avons installé la géolocalisation pour les médecins en visite, et des rondes de policiers à pieds. Au cours de celles-ci, les agents sont invités à venir régulièrement saluer les praticiens afin de s’assurer qu’il n’y a aucun problème. À Nîmes, il y a eu l’installation de caméras de vidéosurveillance municipales, pointées en direction des cabinets médicaux.

WUD. Quels sont les points qui permettraient d’améliorer la situation ?

CB. Il faut développer la géolocalisation des médecins en visite, même si cela nécessite un financement élevé. Les médecins doivent prendre conscience qu’il faut protéger un cabinet : savoir qui rentre, ce qu’il se passe dans la salle d'attente, avoir une disposition de bureau qui permet de s’échapper facilement en cas d’agression physique, ne pas avoir d’instruments contondants à portée de main… La vidéosurveillance est également un outil important : grâce à elle, nous sommes passés en Île-de-France de 167 incidents en 2014 à 118 en 2015.

WUD. Avez-vous remarqué une évolution dans la sécurité des médecins au cours des dernières années ?

CB. Il y a eu une évolution sociétale. Le médecin ne jouit plus, auprès d’une partie de la population, du statut qu’il avait autrefois. Il est, dans certains cas, considéré comme un prestataire de services et aura plus tendance à être insulté aujourd’hui. D’autre part, les médecins sont plus seuls qu’il y a 40 ans. Autrefois, vous aviez un employé à l’ouverture et un à la fermeture du cabinet. De leur côté, les médecins n’hésitent plus à déclarer les cas d’agressions. Ils ont compris que c’était important. Les différents échanges avec le Conseil de l’Ordre et les forces de police ont provoqué une prise de conscience.

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Propos recueillis par Im`ene Hamchiche

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