Foyer douloureux

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Ciné week-end: De toutes mes forces, de C. Chenouga (sortie le 3 mai 2017)

Foyer douloureux

Nassim vit seul avec sa mère, toxicomane et dépressive. Quand celle-ci se suicide, il est confié à un foyer de l'ASE tout en poursuivant sa scolarité dans le lycée huppé où sont tous ses amis. Par honte, il décide de ne rien leur dire de sa nouvelle vie, tout en refusant de s'intégrer à celle du foyer... Chronique d'apprentissage âpre et poignante, le film est porté par l'incandescence de Khaled Alouach, dont c'est le premier rôle.

Nassim semble avoir appris à se fondre parmi les siens dès son plus jeune âge. Ado romantique et tourmenté, mais sociable, il s'applique à dissimuler l'existence de la maladie psychiatrique de sa mère et des conditions de vie précaires auxquelles cela les contraint. Puis sa mère disparaît, vraisemblablement par overdose médicamenteuse, probablement par suicide. Habitué à gérer sa honte par la dissimulation, il fait croire à ses amis qu'il est hébergé par son oncle alors qu'il est contraint d'intégrer un foyer d'aide à l'enfance. 

Peinant à éviter l'exclusion à laquelle il se sent condamné, Nassim s'enferme en fait dans son statut de marginal, que ce soit en mentant à ses amis ou en se mettant à l'écart des jeunes de son foyer. Cet auto-isolement est bien entendu accentué par le drame intime qu'il vit, où se mêlent culpabilité et incompréhension. Pourtant, confronté à la perspective d'un déclassement plus grave encore, Nassim va être forcé de rebondir.

Le film reprend les codes d'un classique roman d'apprentissage, dont le héros, aux allures de jeune romantique un peu dandy, possède l'âge et le côté un peu désuet. Ce classicisme transparaît même dans les choix de réalisation et de narration, qui font parfois penser à un vieil épisode de Madame le Proviseur. Cela ne nous a pas empêché de passer un bon moment devant cette chronique sincère, notamment parce que la force de Khaled Alouach y est impressionnante. Il est ce héros tragique que l'on suit pendant tout le film, ce jeune à la violence rentrée depuis si longtemps, qui va être obligé de choisir la vie, après l'avoir subie depuis tant d'années. Aucunement manichéen, refusant le plus souvent la simplicité et une scénarisation trop visible, De toutes mes forces est une ode à la vie qui choisit de ne jamais en dissimuler les difficultés, les injustices et la noirceur - notamment à travers le portrait d'une jeune fille du foyer qui prépare son PACES avec acharnement. Ou comment surmonter la honte....

Source:

Guillaume de la Chapelle

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