Dr Salem Ould Zein, président du SNPADHUE : « Si les promesses ne sont pas tenues, on se mobilisera »

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4000 médecins à diplôme hors Union européenne ont vu leur autorisation d’exercice repoussée une nouvelle fois. En colère, ils sont prêts à se mobiliser le 30 juin. Le président du SNPADHUE explique les raisons de ces retards. Entretien avec Dr Salem Ould Zein, président du SNPADHUE, PH, service de réanimation polyvalente, CH Châlons en Champagne. 

Dr Salem Ould Zein, président du SNPADHUE : « Si les promesses ne sont pas tenues, on se mobilisera »

What's up Doc. Pourquoi 4000 médecins à diplôme étranger sont-ils toujours en attente de régularisation après la parution du décret du 5 juin dernier ?

Dr Salem Ould Zein. L’article 70 de la loi du 24 juillet 2019 a mis en place des mesures dérogatoires pour les praticiens étrangers qui exercent depuis plusieurs années en France. Cela a été obtenu après plusieurs années de contacts avec le ministère et la suppression de la liste C (examen de validation des connaissances) fin 2016. Déjà, la loi de 2019 avait été votée en retard en raison des mouvements sociaux de l’époque (Gilets jaunes, puis réforme des retraites, grèves aux urgences…). On avait dit « ouf » en juillet et on attendait les décrets d’application. Le dépôt de dossiers d’autorisation d’exercice devant les commissions régionales devait se faire avant le 31 octobre 2020. Et puis la crise Covid-19 a encore retardé les décrets. En temps normal, c’est déjà assez long, alors avec ce contexte… Il est sûr qu’en retardant ainsi les choses, le ministère s’est mis en difficulté. Désormais c’est la date du 30 juin 2021 qui est retenue pour la fin des dépôts de dossiers.

WUD. Appelez-vous à manifester le 30 juin, comme des praticiens concernés le font sur les réseaux sociaux ?

Dr S. O. Z. Non, pas pour le moment. Nous avons alerté le ministère et nous pensons que la situation va se débloquer rapidement. On nous a annoncé une parution des décrets début juillet. La date devrait être maintenue en raison des dates limites de dépôt de dossiers qui ne peuvent plus être décalées. J’ai mis en ligne sur notre site des explications concernant ce retard. En revanche, si les promesses ne sont pas tenues, on se mobilisera. Je comprends le ras-le-bol des médecins concernés qui se sont sentis oubliés encore une fois. On a reçu beaucoup d’appels de médecins en colère. D’autant plus que depuis mi-mars, en raison du confinement, toutes les commissions d’autorisation d’exercice du CNOM ont été annulées. Il y a sans doute quelques 200 dossiers bloqués pour cette raison. Certains médecins qui voulaient s’inscrire au concours de PH n’ont pas pu le faire et vont perdre un an. Au début du confinement, on comprenait que ces réunions de plus de 10 personnes ne se tiennent plus physiquement, mais depuis, il n’y a eu aucune proposition de visioconférence. Cela a exaspéré les médecins concernés.
 

WUD. Quel statut et rémunération pour ces médecins en attendant ?

Dr S. O. Z. Tant qu’ils ne sont pas inscrits au tableau de l’Ordre, ces médecins occupent des fonctions de FFI, ou praticiens attachés associés ou assistants associés. Ce n’est pas la même grille de salaire du tout tant qu’ils ne sont pas contractuels. Cela fait un manque à gagner d’environ 2000€ bruts, ce qui les oblige à multiplier les gardes pour compenser. Autre différence importante : tant que le médecin n’est pas inscrit, il ne peut pas aller travailler dans le privé. L’autorisation d’exercice change tout : égalité de traitement et liberté de son secteur d’exercice.  

L’autorisation d’exercice change tout : égalité de traitement et liberté de son secteur d’exercice

WUD. Est-ce que ces difficultés sont similaires dans le reste de l’Europe ?

Dr S. O. Z. Chaque pays européen a sa propre procédure d’autorisation. Je ne les connais pas toutes dans le détail mais d’après ce que je sais, en France, c’est plus compliqué qu’ailleurs. Les médecins à diplôme étranger peuvent rester dans ces statuts précaires non-autorisés pendant des années, voire des décennies. Je connais des médecins qui n’ont pas obtenu leur autorisation pendant 25 ou 30 ans, au motif de ne pas pratiquer telle ou telle activité médicale ou chirurgicale. Certains ont reçu leur autorisation peu de temps avant leur retraite, c’est kafkaïen ! Les médecins qui venaient en formation dans les années 1980-90 suivaient des DIS qui permettaient de se former avec les internes, dans le cadre de la coopération, puis se voyaient souvent proposer des postes d’associés. Ils pensaient être régularisés rapidement, mais cela n’a pas été le cas pour tout le monde. Depuis les années 1990, il y a eu entre 15 et 20 000 PADHUE autorisés à exercer en France, soit environ 10% de l’ensemble des médecins exerçant en France.

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