Docteur junior : grosse pagaille en vue

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« Dépités », « écoeurés » … Les représentants des internes et jeunes médecins sont unanimement déçus par l’arrêté du 16 janvier dernier relatif au docteur junior. À part de vagues référentiels, rien sur l’organisation dans les services, sur le partage de responsabilité, ni sur la rémunération. Un flou stressant à trois mois du début de la procédure de choix de stages.

Docteur junior : grosse pagaille en vue

« Jeunes Médecins n’a jamais été favorable à ce statut et depuis le décret (1), c’est pire, car personne ne sait précisément quelle place occuperont les docteurs juniors dans les services, entre les internes et les assistants-chefs de clinique. C’est encore un texte hors-sol, très éloigné des préoccupations de terrain des internes », estime le Dr Emmanuel Loeb, président de « Jeunes Médecins ». De nombreuses questions restent en suspens : les services sont-ils prêts pour cette nouvelle organisation ? qui sera responsable en cas de problème d’encadrement ? et en cas de problème médical ? comment ça va se passer pour les gardes ? quelle sera la rémunération des docteurs juniors ?
Pour rappel, à compter du 1er novembre 2020, quelques 4000 internes de spécialité auront le statut de « docteur junior » régi par les dispositions des articles R 6153-1 à R 6153-1-23 nouveaux du Code de la santé publique .

« Un décret déconnecté de la réalité »

« En quelques dizaines de lignes, le décret prévoit des référentiels communs très vagues alors que les docteurs juniors vont être répartis dans 45 spécialités », considère Julien Flouriot, le président du syndicat des internes des hôpitaux de Paris. Le SIHP aurait souhaité un référentiel par spécialité, détaillé par chaque collège de spécialité. « Par exemple, en psychiatrie, qui fera les certificats d’hospitalisation sous contrainte ? Les docteurs juniors pourront-ils le faire ? Le ministère n’est pas capable de nous répondre sur ce point pour l’instant », ajoute le président du SIHP.

Pagaille dans les services

« Lors de nos réunions avec les coordonnateurs, ils ouvrent de grands yeux ronds quand on aborde cette réforme. Ils sont complètement largués. Et c’est encore pire pour les chefs de service. Il y a une confusion complète entre docteur junior et assistant-chef de clinique », indique Julien Flouriot.
Résultat : la mise en place prend beaucoup de retard puisque les chefs de clinique doivent faire des dossiers de demande d’agrément auprès de l’ARS pour recevoir des docteurs juniors dans leur service. Cette procédure aurait dû débuter au 15 décembre, mais cela n’a pas été le cas puisque le décret n’était pas encore paru… « En termes de calendrier, on a très peur que ce soit un peu l’anarchie, car il y a encore de nombreuses inconnues pour lesquelles personne n’a de réponse. Nous avons demandé le report de la réforme à 2021, pour que ça se passe dans de meilleures conditions, mais personne ne nous écoute », ajoute le président.
 

Statut flou et risque de contentieux

« Aujourd’hui, un interne qui serait mal (ou pas) encadré par un senior bénéficie d’une réglementation protectrice. On ne sait pas si ce sera le cas pour le docteur junior », indique le Dr Loeb. Interrogé sur ce point, Nicolas Gombault, directeur général de la MACSF, indique que ce nouveau statut sera sans incidence majeure sur le plan financier, puisque la prime en responsabilité civile professionnelle (RCP) devrait se situer entre celle de l’interne (autour de 20€/an à la MACSF) et celle de l’assistant chef de clinique (entre 100 et 150€/an). « En revanche, il persiste un flou concernant le statut d’autonomie supervisée et il y aura du contentieux. La responsabilité pénale étant personnelle, les docteurs juniors pourront être poursuivis, comme le sont actuellement les internes », ajoute-t-il. Même si les poursuites pénales à l’encontre des internes restent très rares (5 à 10 cas par an en moyenne à la MACSF), Nicolas Gombault indique avoir vu « des internes condamnés pour homicide involontaire ou coups et blessures involontaire à 15 000€ d’amende et un an de prison avec sursis ».
 

Quid de la rémunération ?

Dans une interview donnée à WUD le 15 décembre dernier*, la ministre avait annoncé une prime de 5 000 euros brut par an pour les docteurs junior en 1re année et de 6 000 euros la deuxième année (disciplines chirurgicales). Avec cet objectif : « Placer le curseur à mi-chemin entre la rémunération de l’interne et celle du chef de clinique, afin de permettre une vraie progressivité dans les carrières ». Qu’en pensent les internes ? « Une prime c’est bien, mais qui nous dit comment sera calculé le temps de travail des docteurs juniors ? Personne. Depuis plusieurs années, personne n’a reconnu et rémunéré le temps de travail additionnel des internes. Pourquoi les choses se passeraient-elles différemment pour les docteurs juniors ? », s’interroge le président du SIHP. De son côté, Emmanuel Loeb demande une revalorisation globale aussi pour les internes et les assistants-chefs de clinique. « Une prime est prévue pour les docteurs juniors, mais rien pour les assistants qui ont un Bac+10, leur thèse, et sont en pleine autonomie ! Pourquoi les docteurs juniors seraient-ils mieux rémunérés ? Par ailleurs, la rémunération des internes démarre à 1300€ par mois, ce qui est scandaleusement bas »

 
 
 
 
 

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